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À propos des Jeux Olympiques

par M. le Baron PIERRE DE COUBERTIN (†)

En juillet 1937, l’illustre rénovateur des Jeux Olympiques nous adressait à notre demande le texte suivant ; c’est probablement l’un des derniers appels avant son décès le 2 septembre 1937. Nous publions ces lignes avec une pieuse émotion et à titre d’hommage à sa mémoire et à son œuvre si belle.


Il y a bientôt cinquante ans que le rétablissement des Jeux Olympiques a été solennellement proclamé à la Sorbonne, à Paris. C’était en 1894. Les Jeux Olympiques sont la fête quadriennale du printemps humain… Ver sacrum ! C’est la fête de l’athlète moderne dominé par la figure de son ancêtre, l’athlète antique. C’est toujours un instant saisissant lorsque les jeunes équipes de tous les peuples, unis sur un sentier sacré, pénètrent tous les quatre ans dans le stade olympique, sous les plis de leur étendard national.

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Les Jeux Olympiques ont pris rang dans l’histoire. C’est à la jeunesse sportive de toutes les nations de les y maintenir. Nous n’avons pas travaillé, mes amis et moi, à rétablir les Jeux Olympiques pour en faire un objet de musée ou de cinéma, ni pour que des intérêts mercantiles ou électoraux s’en emparent. Nous avons voulu, rénovant une institution vingt-cinq fois séculaire, que les jeunes gens redeviennent les adeptes de la religion du sport telle que les ancêtres l’avaient conçue. Dans le monde moderne, plein de possibilités puissantes et que menacent en même temps de périlleuses déchéances, l’Olympisme peut constituer une école de noblesse et de pureté morales autant que d’endurance et d’énergie physiques, mais ce sera à la condition qu’on élève sans cesse la conception de l’honneur et du désintéressement sportifs à la hauteur de l’élan musculaire.

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Je demande aux athlètes de conserver et d’entretenir parmi eux la flamme de l’Olympisme rénové et de maintenir les principes et les institutions qui lui sont nécessaires : d’abord l’égalité des grandes catégories de sports individuels : sports athlétiques et gymniques, sports de combat, sports nautiques, sports équestres, — ensuite les concours d’art qui associent à la belle activité musculaire les œuvres de la pensée inspirées par l’idée sportive, — le serment des athlètes qui, fondé sur le sentiment de l’honneur, renferme le germe de la seule solution efficace du problème de l’amateurisme, — l’usage du drapeau olympique qui assemble les couleurs de toutes les nations et symbolise les cinq parties du monde unies par le sport, — le cérémonial et les formules de l’ouverture et de la clôture des Jeux avec le salut final à l’Hellénisme dont ils sont issues, — enfin l’autorité du Comité International dont le recrutement indépendant garantit le maintien des traditions sans que cela doive impliquer d’immixtion gênante dans les questions techniques. Je crois que, de plus en plus, les grands tournois organisés en marge des Jeux doivent avoir leur pleine autonomie et ne pas être confondus avec les Jeux eux-mêmes, dont le but premier est la glorification de l’athlète individuel. J’espère que, toujours davantage, la succession régulière des Olympiades aidera à rythmer la vie sportive, à la contenir, à la préserver de ses propres excès. Il est très désirable, pour cela, que disparaissent les préjugés qui continuent de séparer le gymnaste de l’athlète. Ce sont deux frères qui s’ignorent, trop souvent par la faute de leurs dirigeants. De même que l’Olympisme a traversé sans atteinte la guerre mondiale, il survivra aux révolutions sociales. On a prétendu que les Jeux avaient été « défigurés », que l’idée olympique était sacrifiée à la propagande ! C’est entièrement faux ! Le destin des Jeux a répondu complètement à mon travail et à mon vouloir. Je le constate sans orgueil, par simple besoin de rétablir la vérité que l’ignorance ou le calcul ont travestie.

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En matière d’éducation physique et de sport, l’important est qu’à tous les degrés, de l’adolescent à l’homme mûr, on travaille à répandre l’esprit sportif fait de loyauté spontanée et de désintéressement chevaleresque. Aux Jeux Olympiques, l’important n’est pas d’y gagner, mais d’y prendre part, car l’essentiel dans la vie n’est pas tant de conquérir que de bien lutter.