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ne désigne pas un sexe plus que l’autre ; son sourcil témoigne de son mépris pour les amants et même pour les lutteurs ; elle semble dire qu’elle se sent forte contre les uns et les autres et qu’on ne saurait lui toucher le sein en luttant, tant elle excelle dans son art. Sa poitrine, semblable à celle d’un adolescent, offre des seins à peine formés ; d’ailleurs elle n’a aucun des goûts féminins ; elle ne veut point avoir des bras éclatants de blancheur ; certainement elle n’approuve pas les Dryades qui, pour être blanches, recherchent l’ombre ; habitante des profondes vallées de l’Arcadie, elle demande au soleil la faveur d’un teint hâlé et le soleil colore la jeune fille d’un éclat légèrement rougeâtre. Palestra est assise, et c’est là, mon enfant, une très heureuse idée du peintre, car les ombres projetées ainsi par le corps sont plus nombreuses, et c’est là, d’ailleurs, une attitude qui n’a point par elle mauvaise grâce. Elle fait bien aussi, cette branche d’olivier que Palestra appuie sur son sein ; la déesse aime cette plante qui donne aux lutteurs l’huile indispensable et fait les délices des hommes.



Commentaire.


« Les exercices gymnastiques, dit Philostrate[1], se divisent en deux espèces, ceux qui demandent de l’agilité, tels que le stade, le doliche ou longue course, la course armée, le double stade, le saut ; et ceux qui demandent de la force, tels que le pancrace, la lutte, le pugilat. » La palestra est, à proprement parler, l’endroit où les athlètes se livraient à ces derniers exercices, et la déesse de la palestra est la déesse des lutteurs et des pugilistes. Philostrate est le seul qui mentionne cette divinité, mais l’art qui a créé tant d’êtres allégoriques comme la Peur, la Poursuite, l’Impudence, l’Occasion, la Mansuétude, n’a pas dû hésiter à personnifier la palestra. Dans Stace, c’est une divinité qui fait couler l’huile sur ses membres[2] ; pourquoi le peintre ne l’eût-il pas représentée une branche d’olivier à la main ? Quant aux petits génies qui personnifient les différentes figures de la lutte, ils sont frères de cet Agon[3] qui, debout à côté d’Arès, à Olympie, représentait le combat belliqueux ; et de cet autre, qui tenant entre ses mains des haltères, représentait l’exercice du saut. Il n’est pas rare, d’ailleurs, de rencontrer sur les œuvres d’art des enfants jouant, luttant, courant, et qui peuvent être pris pour les génies de la course, de la lutte, de tel ou tel jeu.

Par son nom, la Palestra devait être une femme ; par la nature des exercices auxquels elle préside, elle devait avoir l’aspect viril. De là cet effort de l’artiste pour unir dans un même personnage la grâce à la force ; on sait

  1. Sur la Gymnastique, traduct. Minoïde Mynas, p. 62 (texte, c. IV).
  2. St. Th., VI, 827.
  3. Pausanias, V, 20, 3 ; V, 26, 3.