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d’un tableau de genre, c’est la mythologie dénaturée par l’introduction de la parodie ; c’est quelque chose se rapprochant du genre que les anciens appe- laient hilaro-tragique.

Une statue en or, représentant le génie Ploutos, était debout sur l’Acro- pole de Rhodes. Une pareille allégorie et un semblable rapprochement entre Athénà et Ploutos ne sauraient nous étonner. A Thèbes, Ploutos enfant re- posait dans les bras de Tychê ou la Fortune, considérée comme sa mère ou sa nourrice (4) ; chez les Athéniens, une statue de Céphisodote le représen- tait porté par Iréné, la Paix (2) ; à Thespies, Ploutos se tenait debout à côté d’Athénä ergané, l’ouvrière, {a déesse des ouvrages à la main (3) ; c’est qu’en effet les travaux de femmes étaient une source de richesse dans l’économie domestique des anciens. Or il était tout aussi naturel de caractériser par la présence du génie Ploutos l’opulence accordée à tout un peuple par Athénà ou par Zeus en l’honneur de sa fille. Quant à l’emploi de l’or et à l’explica- tion qu’en donne Philostrate, il n’y a rien là non plus que de très vraisem- blable. Pausanias parle d’une statue dorée de la Fortune qu’il avait vue à Elée (4) ; Ploutos, non moins que la Fortune, méritait d’être en or, surtout à Rhodes, l’ile à la pluie d’or et aux colosses dorés. Philostrate remarque en outre que Ploutos n’était pas aveugle ; cela pourrait faire supposer qu’il l’était quelquefois dans les représentations de l’art ; mais Philostrate, en cet endroit, devait songer au Ploutos d’Aristophane qui aveugle de naissance a besoin des secours d’Esculape pour jouir de la vue. D’ailleurs l’explication que donne Philostrate paraît plus ingénieuse que fondée. Le peintre, en re- présentant une statue de Ploutos avec des prunelles, n’avait fait que se con- former aux habitudes de la sculpture ancienne en or et en argent qui en- chasse souvent des pierres précieuses dans le globe de l’œil ; mais l’eût-il re- présenté aveugle, que Philostrate n’eût pas eu raison de dire qu’il était telparce que le Ploutos de la légende n’y voit pas ; il eût partagé, à titre de statue, cette cécité conventionnelle qui est commune à presque toutes les statues anli- ques. Enfin, selon Philostrate, Ploutos avait des ailes. Sur les monuments parvenus jusqu’à nous (5), Ploutos, presque toujours groupé avec Déméter, caractérisé tantôt par une corbeille pleine d’épis qu’il tend à la déesse, tantôt par ces mêmes épis qu’il tient dans un pli de son vêtement, tantôt enfin par la corne d’abondance, n’est jamais ailé. C’est à tort que Wieseler a cru lui reconnaître des ailes sur une pâte du Musée de Berlin (6). L’absence de

(1) Paus., IX, 17, 2. (2) P., 1, 8, 2 (8) P., TX, 26, 8. (4) P., VI, 25, 4. (5) Voir l’art. de M. F.Lenormant sur Cérès dans le Diet. des antiquités de Daremberg et Saglio. (6) Overb., Gr. K. myth., Demotor, p. 505 :