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service qu’il vient de lui rendre. Sur le refus de son père, il déclare qu’il enlèvera la déesse. L’artiste, empruntant son sujet à Pindare, aurait dù sans doute oublier les poètes comiques, comme Hermippe, et les écrivains satiriques, comme Lucien ; mais on n’échappe qu’avec peine à lesprit de son temps, et on est tenté de l’introduire là mème où il n’a que faire.

Un des frontons du Parthénon représentait aussi la naissance d’Athénà ; malheureusement, ilne nous en reste que des fragments et, par une ironie du hasard, Pausanias, assez riche de détails sur le fronton que nous possé- dons presque entièrement, ne fait qu’indiquer d’un mot la scène représentée sur l’autre (4). Néanmoins et malgré ces personnages mulilés, ces torses sans tête ; malgré cette brèche béante qui placée au beau milieu du tympan, nous prive de la scène principale, on devine, à voir ces dieux ou déesses, assis ou couchés, que la composition ne devait pas faire sur l’esprit du spectateur la même impression que la lecture de l’hymne homérique ; la terre et le ciel se réjouissent, mais leur joie est tranquille, sans mélange d’effroi et de stu- peur ; à l’époque de Phidias et de ses élèves, les Grecs soni familiers avec le mystère de la naissance d’Athénà ; ils n’éprouvent plus l’étonnement naïf des vieux âges au récit des légendes divines ; la théologie, les pratiques même du culle ont discipliné l’imagination qui dans une scène religieuse semble plus préoccupée de la beauté et de la grâce qu’accessible à l’émotion ; les lois dela sculpture, devinées d’instinctplutôt que formulées avec rigueur, empêchent d’ailleurs l’artiste de lutter avec les poètes et lui imposent des moyens tout différents de plaire et de toucher, Si on retranche de notre peinture les traits qui la déparent et qui sont peut-être de l’invention de Philostrate, elle devait tenir le milieu, pour le sentiment, entre l’hymne ho- mérique et Pindare, d’un côté, de l’autre, le fronton de Parthénon ; moins hiératique que dans l’œuvre du sculpteur, la scène était aussi moins saisi sante, accompagnée d’effets moins violents que chez l’un ou l’autre poète. La peinture nous paraîtrait alors tout à fait dans son rôle d’art intermé- diaire, participant à la fois aux hardiesses de la poésie et aux timidités de la sculpture. Remarquons en outre que le peintre, usant de toutes ses ressources, ayait donné à l’armure d’Athénà un merveilleux éclat ; il y avait donc dans la stupeur des dieux et des déesses, de l’admiration et de l’éblouis- sement. Le sentiment se serait ainsi compliqué, sans que pour cela l’unité d’impression eût été brisée. Si, au contraire, nous regardons comme exactes toutes les indications de Philostrate, le tableau n’a plus de commun que le sujet, avec Homère, avec Pindare, avec le fronton du Parthénon ; il n’a d’a- nalogie, pour le sentiment, qu’avec la poésie alexandrine, les Métamorpha ses ’d’Ovide et les peintures campaniennes ; il semble même qu’une telle œuvre n’ait pu être conçue que sous l’influence combinée de la poésie et de l’esprit sophistique. Ce n’est plus la mythologie réduite aux proportions


(1) Paus., 1, 24, 5. Müller-Wicseler, D. d. a. K., n° 190,