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dos et de profil, moitié couché, moitié relevé, semble tendre un enfant à une figure de femme qui placée à gauche dans une position analogue, agite une étoffe, soit pour amuser l’enfant, soit pour l’en couvrir après qu’elle l’aura reçu. Des pins voisins de ces chevaux, les chevaux eux-mêmes, la présence de Poseidon, la représentation des feuilles d’ache, tout indique qu’il est fait allusion aux jeux isthmiques et que l’artiste a voulu nous transporter à Corinthe. Si les deux enfants non ailés ne représentent pas le même personnage, l’un des deux du moins, celui de la bande supérieure, ne peut guère être que Mélicerte. La figure tournée vers lui est ou Aphrodite recevant Mélicerte parmi les dieux, ou mieux une divinité locale représentant Corinthe et offrant l’hospitalité au nouveau dieu. Le personnage qui tient Mélicerte sera ou Néreus ou Glaukos, un des dieux quelconques de la mer qui ont accueilli Mélicerte, après sa chute dans les flots, ou plus exactement (le tableau décrit par Philostrate semble autoriser cette explication) Isthmos qui partagea avec Corinthe la gloire d’avoir reçu l’enfant divin. Eros est là sans doute pour désigner plus spécialement Corinthe qui avait pour ces deux enfants, Eros et Mélicerte, un culte particulier. Quant à l’enfant et la femme de la bande inférieure, il faut les considérer sans doute comme Mélicerte et Ino-Leucothoé. Ino après sa chute est devenue une Neréide ; à demi couchée, elle s’apprête à demeurer dans son nouveau séjour ; Mélicerte qui est assis, qui paraît plein de vie, qui joue avec la pomme de pin ou le coquillage, attend le moment où il doit être reçu par Corinthe et Isthmos. C’est là du moins, selon nous, l’explication la plus vraisemblable du camée de Vienne[1].



XVII

Les îles.


Veux-tu, mon enfant, que nous parlions de ces îles, comme si sur un navire nous en faisions le tour pendant le printemps, alors que le zéphyr, promenant son haleine sur les flots, donne à la mer un riant aspect ? Cette mer aussi, que tu vois, t’engage à quitter le rivage ; elle n’est ni soulevée, ni déchainée ; elle n’est pas non plus unie et dormante, elle aide la manœuvre des matelots, elle est comme animée d’un souffle de vie. Nous voici déjà embarqués, avec ta permission, n’est-il pas vrai ? — Et l’enfant de répondre je ne demande pas mieux ; mettons à la voile. — La mer, comme tu le vois, s’étend au loin ; elle est parsemée d’îles qui ne ressemblent point en vérité à Lesbos, à Imbros ou à Lemnos ; à les voir si modestes, si petites, on dirait des villages, des lieux d’escale ou encore des fermes échelonnées sur la mer. La première d’entre elles escarpée, inaccessible, naturellement fortifiée, élève jusqu’au ciel

  1. Voir, pour les différentes explications, Müller-Wieseler, Denkm. d. alt. K. zw. Band, no 76a et les ouvrages auxquels il renvoie.