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sommet de la tête et du cou une chevelure azurée que secouait le souffle du vent (4).» Mais il est à remarquer, d'un côté, que Philostrate est muet sur ces attributs, et nomme tous les héros à la suite les uns des autres sans leur accorder une mention particulière, sans désigner leur place, et comme s’il réfléchissait qu’ils sont là parce qu'ils doivent y être; d’un autre côté, les artistes anciens ne donnent pas loujours des attributs distinctifs aux personnages, si illustres qu’ils soient, qui assistent, sans y prendre une part active, à une scène principale. Nous ne saurions en ciler un meilleur exemple, en cette occasion, que le fameux bas-relief du coffret en bronze trouvé à Præneste (2). Le sujet choisi par l'artiste est le débarquement des Argonautes sur les côtes de Bithynie. Pollux attache à un arbre Amykos, le roi inhospitalier qu'il vient de vaincre au pugilat. Outre les cestes dont les deux personnages sont armés, leur action, leur attitude les désigne suffisamment. On reconnaît encore Athénà à son égide, Castor à son bonnet, un fils de Borée à ses ailes (3), Silène à son ventre bombé et à sa queue de cheval ou plutôt de satyre; mais où.est Jason? Héraclès est-il présent? Qui nommera les Æacides, Tiphys, Lyn- cée, Euphémos et Erginos, ces fils de Poseidon, au milieu de tant de person- nages nus qui ne diffèrent guère entre eux que par l'attitude? Les archéologues, il est vrai, l'ont essayé, et cette tentative prouve un zèle louable; mais outre qu'ils ne sont point d'accord entre eux, leurs raisons uniquement tirées de la place des personnages, de leur âge, de leur vigueur, du degré d'attention qu'ils semblent apporter à la scène principale, ne paraissent pas concluantes. La difficulté est la même pour la fameuse cista Borgia qui, selon les archéo- logues les plus autorisés, représente les Argonautes prenant congé de Cy- sikos. « Faire desconjectures sur le nom et le rôle de chaque personnage, dit Gædechens, serait plus qu'inutile »; on ne saurait guère nommer que Cysikos et Jason, tous deux reconnaissables à la place principale qu'ils occupent dans la composition. Une remarque semblable s'applique au vase de Bernay dont nous avons fait reproduire plus haut une des scènes (4), Achille pleurant Patrocle. Ulysse se reconnaît au pilos; mais entre ces jeunes gens où est Anliloque, si Antiloque est présent ? Entre ces vieillards comment distinguer Nestor de Phænix, et ceu. désignés, quel nom donner à chacun des autres? En étailil ainsi dans notre tableau, et Philostrate en ne cherchant point à reconnaître les personnages un à un, en les nommant comme en bloc, au-



(1) Apoll., Ag. 1, 220, sq.

(2) Müll-Wies., D d, &. K., I, n° 30).

(3) Les suppositions relatives à cette figure ailée sont bion singulières. Les uns voulent que ce soit le Génie de la mort; les autres prennent ce personnage pour une divinité locale du nom de Sosthènes; les autres enfin, comme Wieseler, prétendent qu'il représente les ombres des hommes tués par Amykos au pugilat. Puisque les fils de Borée font partio de l'expédition et qu'ils sont ordinairement représentés avec des ailes, il est plus simple, ce semble, de re- connattre ici soit Zéthés, soit Calais. L'artiste n'a placé parmi les spectateurs qu'un des Boréa- des pour ne point encombrer sa composition par deux figures ailées.

4) Voir p. 385.