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tous points. Tel nous le montrerait, par exemple, un cratère d'Agrigente qui représente, suivant les commentateurs, Glaukos reçu par Poseidon dans l'em- pire des mers ; tel il serait sur le vase célèbre d'Ergotimos et Clitias qui le représente au moment où, épris d'Ariadne, il s'offre aux yeux de l'équipage de Théseus ; tel encore nous le verrions sur un camée de Vienne, si tant est que le personnage qui tend Mélicerte à une femme doive être pris pour Glau- kos. Nous doutons un peu, il est vrai, de toutes ces interprétations ; car partout où Glaukos est désigné par son nom, partout où il a été reconnu avec une entière certitude, il ressemble à peu près au Glaukos de Philostrate.

Quelle était dans notre tableau la couleur de Glaukos? Philostrate re- marque que le croissant dessiné par la queue brillait d’un éclat voisin de la pourpre. On sait que les anciens désignaient par le même mot la couleur sombre de la mer ; nous pouvons donc croire que le peintre avait employé pour cette partie du corps un vert profond, à reflets bleuatres et violets. D'un autre côlé, comme dans les poissons en général la couleur de l’extré- mité caudale rappelle, en l'accentuant, celle de tout le corps, il est probable que toute la partie pisciforme de Glaukos était d’une teinte azurée, légè- rement différente de celle des eaux dans lesquelles elle était plongée. Tout s'accorde, croyons-nous, pour appuyer cette conjecture ; d’abord l'artiste devait chercher à justifier ce mot de Glaukos qui, après s'être dit de la clarté des mers, a désigné leur couleur; le poète Nonnos, parlant de Pan Glaukos, dit que ses membres étaient en tout semblables à la mer pour la couleur; enfin, comme le rapporte l'historien Velleius Paterculus (1), Plancus dansant Glaukos dans un festin, suivant l'expression antique, avai paru tout azuré, nu ettraînantune queue. Quant à la partie humaine de notre Glaukos, tant pour satisfaire à la vraisemblance que pour se mieux détacher sur le fond azuré des flots, elle devait offrir ces tons roux que nous remarquons sur la poitrine des tritons et autres dieux marins, dans les peintures d'Herculanum etde Pompéï. Nous remarquerons toutefois que le Glaukos d'Ovide a les bras et sans doute tout le corps d'un vert foncé comme la mer elle-même.

Si nous reportons maintenant nos regards sur le navire, nous aurons à nous demander si Philostrate a vraiment reconnu les héros embarqués avec Jason et comment il les a distingués les uns des autres. Écartons tout d'abord Tiphys et Lyncée; le premier en sa qualité de pilote, se tient près du gouvernail; le second est en observation à la proue; leurs talents leur assignentune place spéciale et cette place les fait reconnaître. Mais Jason, Hé- raclès, les Æacides, les Dioscures, les fils de Borée, comment les distinguer entre eux, sans l’aide d’attributs individuels ? Sur les monuments figurés, Héraclès est ordinairement armé d’une massue et couvert d’une peau de lion ; Orphée est vêtu de la robe traînante à longues manches; il tient la lyre et paraît inspiré; les Dioscures portent une espèce de bonnet, en forme d'œuf ;

(1) V. Pat., If, 83.