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un mouvement violent de conversion en dehors l’os qui forme la malléole du pied ; l’âme en effet, lorsqu’elle s’échappe du corps, en fait une masse inerte, mais puissante par son poids même. Celui des deux athlètes qui étouffe l’autre a été représenté semblable à un mort et confessant de la main sa défaite ; Arrhichion, au contraire, est représenté comme le sont d’ordinaire les vainqueurs ; il a les couleurs de la santé ; la sueur ne s’est point refroidie sur son corps ; il sourit comme font ceux qui survivant à la lutte ont conscience de leur victoire.



Commentaire.


Arrhichion, vainqueur au pancrace, c’est-à-dire dans un combat qui réunissait le puügilat et la lutte, avait une statue dans le marché de Phigalie. comment Pausanias décrit cette statue et raconte la dernière victoire et la mort d’Arrhichion. « Les pieds ne sont pas très écartés ; les mains collées au flanc descendent jusqu’aux fesses. C’est une statue de pierre ; elle portait dit-on une inscription que le temps a effacé. Cet Arrhichion (ainsi l’appelle Pausanias) avait été deux fois vainqueur aux jeux Olympiques, avant la 54e Olympiade ; il le fut une troisième fois dans cette même Olympiade, grâce à l’équité des Hellanodices et à ses talents d’athlète. Comme il combattait pour la couronne d’olivier contre le seul adversaire qu’il n’eût pas encore terrassé, celui-ci (on ne sait qui il est) le saisit, l’enlaça vivement avec ses pieds et de ses mains lui comprima le cou. Arrhichion brisa un doigt de pied de son adversaire ; au même moment où il périssait lui-même étranglé, celui qui l’étranglait contraint par la douleur, s’avouait vaincu. Les Éléens déclarèrent Arrhichion vainqueur et couronnèrent son cadavre.

C’est la dernière attitude des combattants, la dernière figure de la lutte, comme disaient les Grecs, que notre tableau représente. Philostrate parle pour des Grecs habitués aux exercices du gymnase et pour des auditeurs qu’il suppose placés devant le tableau même ; il en résulte que sa description n’est peut-être pas tout à fait claire pour un lecteur moderne. Voici, selon nous, comment le peintre avait disposé son groupe. Arrhichion terrassé se retournait et s’appuyait pesamment sur le flanc et la cuisse gauche tournés du côté du spectateur ; sa jambe droite qu’il venait de dégager paraissait comme suspendue, et se jouait librement dans l’air au-dessus de son rival qu’il tenait fortement pressé contre ses flancs ; les têtes des deux athlètes étaient écartées l’une de l’autre par le mouvement même du coude qui pressait la gorge d’Arrhichion ; ce coude était sans doute celui du bras gauche, afin que la figure de l’adversaire d’Arrhichion ne fût pas cachée et se tournât sans effort vers le spectateur ; avec la main droite il se déclarait vaincu. Le pied gauche qu’il avait enlacé autour de la jambe droite d’Arrhi-