Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/379

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tu leur donnes : fais plutôt en sorte qu'ils s'instruisent en jouant; par là tu seras plus à portée de connaître les dispositions de chacun (1). » Il sait que Plutarque a dit: « On doit porter les enfants à l'amour du bien par la dou- ceur et la persuasion, jamais par des punitions dures et humiliantes qui conviendraient tout au plus à des esclaves et non à des enfants de condition libre. Les mauvais traitements et les affronts les découragent et les rebu- tent ; les éloges et les reproches réussissent bien mieux que la rigueur et la sévérité (2). Fidèle à ces nouvelles doctrines d'un siècle plus clément, ilne saurait, tout vertueux qu'il est, punir cruellement de molles inflexions de voix, comme ces mailres dont parle le Juste dans Aristophane, ni employer contre ses disciples la verge recommandée par le stoïcien Chrysippe ; il est rempli d'indulgence et de mansuétude. On remarquera aussi quelle différence les artistes anciens mettent d'ordinaire entre Chiron quand il enseigne la musique à Achille, et Pan ou Marsyas apprenant à Olympe à jouer de la lyre. La situation est à peu près la mème; mais les maîtres ne se ressem- blent guère, et l'art observe cette distinction. La douce gravité de Chiron fait penser que pour lui, comme pour Platon et Aristote, la musique n’est qu'un moyen, destiné à ouvrir l'âme aux impressions et à la modérer; outre que Marsyas ou le dieu Pan enseigne la flûte, cet instrument condamné par Aristote comme plus capable d’exciter les passions que de les calmer, le satyre ou le dieu, onle voit du reste à leurexpression uniquement souriante, à l'absence de toute pensée sérieuse sur leur front, ne prétend qu'à une chose, former un élève habile dans la science des rhythmes et de la mélodie (3).

Les centaures portent souvent sur les monuments une peau de bèle jetée sur leurs épaules ou serrée autour de leur cou. Tel nous devons nous repré- senter Chiron qui tirait de son sein, dit Philostrate, une pomme et un rayon de miel pour l'offrir à Achille. Une pierre gravée du musée Bourbon nous montre un satyre portant un Amour sur son épaule, et tenant devant lui des pommes, dans une peau de panthère attachée à son épaule. Chiron sans doute avait à peu près pris la même attitude que ce satyre.

L’attitude d'Achille n'est pas aisée à déterminer. Philostrate parle de sa jambe bien tendue et de ses mains allant aux genoux. Il semblerait d'après ces mots qu'Achille est tout droit, les bras tombant, devant Chiron. Mais, d'un autre côté, il vient de prendre un faon qu'il rapporte à son maître; ne serait-il pas naturel qu'il le tint en l'air et le tendit à Chiron ? Un seul bras alors pendrait le long du corps et Philostrate, en parlant des mains, aurait




(1) Platon, de la Républ., livro VI.

(2) Plutarque, De l'Éducation des enfants.

(G) Cf. 4. d'Hrre., HU, p. 101; Roux, If, 14 et Ant. d'Hlere., 1, p. 41. Roux, IL, 4. Dans ces deux tableaux qui représentent Marsyas ct Olympos, la bonté est du moins peinte sur le vi- sage de Marsyas. Dans le premier même, Marsyas est plus qu'un vulgaire joueur de flûte et qu'un simple maître de musique; on sent que sous l'influence des idées philosophiques, les Marsyas mêmes ont emprunté quelque chose à l'élévation d'un Ch