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cavalier ouvre de larges narines et semble hennir. Ceci encore est une preuve d’habileté. Poseidon aime le jeune homme depuis le jour où Pélops, sortant du bassin de Clotho, éblouit le dieu par l’éclat de son épaule. Cependant Poseidon, loin de le détourner du mariage auquel il aspire, content d’ailleurs de toucher, de presser de sa main la main de Pélops, lui fournit les moyens d’être vainqueur à la course. Quant au héros, il respire l’ardeur de la lutte, il lève fièrement les yeux sur les chevaux. Son regard exprime la joie et l’orgueil de porter la tiare ; de cette coiffure s’échappe en ondes dorées une chevelure qui accompagne heureusement les traits du visage, s’unit au duvet des joues, et tombant de chaque côté de la tête, reste gracieusement immobile. Les flancs, la poitrine de Pélops, toutes les parties dont on aimerait à juger la beauté, nous sont dérobés, avec la cuisse elle-même, par le vêtement ; c’est que les Lydiens et autres barbares emprisonnent la beauté dans les habits, et se parent fièrement de leurs tissus quand ils pourraient se parer des grâces naturelles. Le corps est donc tout entier caché ; cependant là où commence l’épaule gauche, la tunique mal ajustée s’entr’ouvre pour en laisser voir l’éclat ; car, la nuit couvrant la terre, le jeune homme est éclairé par son épaule qui rayonne comme l’étoile du soir au milieu des ténèbres.



Commentaire.


Pindare a certainement inspiré à l’artiste le sujet de cette peinture. « Pélops arrivé, dit le poète, à l’âge florissant où un léger duvet ombrage le menton, Pélops rêva une alliance qui s’offrait alors à sa valeur ; il voulut vaincre le roi de Pise et conquérir ainsi sur son père l’illustre Hippodamie. Étant venu seul, au milieu des ténèbres, près du rivage et de la mer blanchissante, il invoqua le dieu des mers bruyantes, le dieu armé du trident ; Poseidon parut à ses yeux, tout près de lui, et Pélops dit : « Poseidon, si les aimables dons de Cypris émeuvent ta reconnaissance, arrête dans son élan le fer d’Œnomaos, conduis-moi sur un char… jusqu’en Élide ; assure-moi la victoire ; déjà ayant fait périr treize hommes, il diffère le mariage de sa fille… » Ainsi il priait Poseidon, et ses paroles ne furent pas vaines : le dieu l’honorant lui donna un char d’or et des chevaux aux ailes infatigables[1]. »

La composition du tableau est des plus simples : Poseidon serre la main d’un jeune homme vêtu à la mode lydienne ; près d’eux se voit un char doré, attelé de quatre chevaux.

  1. Pind., Olymp. I, Ant. et Ep. 3.