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des personnages peints, mais des êtres réels qui se meuvent, qui sont en proie à l’amour ; car je les raille comme s’ils m’entendaient, et je m’imagine entendre leur réponse. Et toi, qui n’as rien dit pour me ramener à la réalité alors que je m’égarais, tu étais la dupe de la même illusion, tu n’as pas su mieux que moi te défendre contre l’artifice du peintre et le sommeil de la raison ! Mais regardons la peinture elle-même, puisque nous sommes devant elle. Autour du jeune homme que j’ai dit, sont rangés d’autres jeunes gens, beaux et épris des belles choses, de bonne famille, selon toute apparence ; l’un se distingue par un air viril qui sent sa palestre, l’autre par une grâce naïve, l’autre par ses manières élégantes. On dirait que cet autre vient de fermer son livre et de relever les yeux. Ils sont montés sur des chevaux tous différents entre eux, l’un est blanc, l’autre isabelle, l’autre noir, l’autre bai-brun, tous ont des freins d’argent, des housses brodées, des phalères d’or. Ces couleurs diverses sont versées par les barbares voisins de l’Océan sur l’airain incandescent ; elles prennent de la consistance, et ce qui est peint ainsi demeure inaltérable. Point de ressemblance, non plus dans les vêtements et la tenue. L’un des cavaliers rattache par une ceinture une légère tunique ; c’est, je crois, un homme habile à lancer le javelot ; cet autre, comme s’il menaçait le sanglier d’une lutte corps à corps a la poitrine et les jambes armées de toutes pièces. Quant à l’adolescent, le cheval qui le porte est blanc ; la tête seule est noire ; mais sur le front s’arrondit une tache blanche, semblable pour la forme à la pleine lune, il a des phalères d’or et une bride teinte en écarlate de Médie ; unie à l’éclat de l’or, cette couleur brille comme l’escarboucle. Le jeune homme a pour vêtement une chlamyde légèrement enflée et ridée par le vent, teinte avec cette pourpre tyrienne, chère aux Phéniciens, et qui est bien la plus belle des pourpres ; car, bien qu’elle soit d’une couleur sombre, elle participe en quelque sorte de l’éclat du soleil et semble refléter tout l’éclat chatoyant de l’arc-en-ciel. Ne voulant point, par pudeur, se montrer nu à ses compagnons, il a revêtu une légère tunique de pourpre qui descend jusqu’au milieu de la cuisse et couvre le bras jusqu’au pli du coude. Il sourit, son regard est plein de vivacité ; sa chevelure qui est longue ne l’est pas assez pour voiler ses yeux quand elle sera agitée par le vent. Un autre admirera peut-être ses joues, son nez si bien proportionné, et successivement chaque partie de sa figure ; pour moi, j’aime surtout son air superbe ; on voit en effet qu’il est brave comme un chasseur doit l’être, qu’il est fier de son cheval, qu’il se sent aimé. Des mulets et des muletiers portent l’attirail