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absente, la composition en recevait une autre unité ; elle ne montrait qu’Hermès, le dieu du vol, et non Hermès, le dieu de l’invention. Le peintre aurait-il pu nous montrer Battos changé en un rocher escarpé, oui sans doute, mais qui l’aurait reconnu à moins que la métamorphose n’eût pas été tout à fait complète ? Il avait préféré substituer à Battos qui aurait détourné l’attention de la scène elle-même, pour la reporter sur les suites du larcin, la figure demi-souriante d’Olympos, qui jouait alors dans le tableau, ce rôle de témoin ému et sympathique, si fréquent dans les œuvres d’art de la Grèce, tragédies ou comédies, peintures ou bas-reliefs. Enfin, le dénouement adopté par l’artiste était celui d’Alcée ; moins solennel que celui d’Homère, il était plus gai et plus plaisant ; il épargnait une nouvelle scène, et se prêtait mieux à l’unité de lieu.



XXXVI

Amphiaraos.


Ce char à deux chevaux (les héros de ce temps, à l’exception de l’audacieux Hector, n’attelaient pas encore quatre chevaux ensemble) porte Amphiaraos au retour de Thèbes, quand la terre s’entr’ouvrit, dit-on, sous ses pas voulant qu’il fût devin en Attique, prophète véridique et savant au milieu des hommes les plus éclairés. Des sept chefs qui s’efforcèrent de rendre le pouvoir à Polynice le Thébain, nul ne revint dans sa patrie, excepté Adraste et Amphiaraos. Quant aux autres, la terre de Cadmée les garde. Tous moururent frappés ou par la lance ou par les pierres, ou par la hache ; seul Capanée, pour avoir blessé Jupiter par son orgueil provocateur, fut foudroyé. Mais nous parlerons ailleurs de ces chefs ; la peinture nous invite à regarder Amphiaraos, pénétrant déjà dans la terre entr’ouverte, la tête ceinte de bandelettes et de feuilles de laurier. L’attelage est blanc ; les roues du char semblent tourner avec rapidité ; les chevaux soufflent à pleins naseaux ; ils humectent la terre de leur écume ; leurs crinières sont couchées ; à la sueur qui ruisselle sur leurs flancs, se mêle une fine poussière qui les rend moins beaux, mais plus vrais. Amphiaraos est couvert de toutes ses armes ; il ne lui manque que le casque, sa tête étant consacrée à Apollon ; il a le regard d’un homme divin, d’un prophète. L’artiste nous montre aussi Orope sous les traits d’un adolescent, au milieu de femmes au vêtement azuré qui représentent les mers ; voici le sanctuaire où médite Amphiaraos, l’antre sacré et mystérieux. Là se tient la Vérité en robe blanche ; là sont aussi les portes des songes. Car, pour consulter l’oracle, il faut dormir. Le Rêve lui-même est représenté avec un visage où se peint l’a-