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rable à la poésie qu’à la peinture : on sait en effet quel parti les poètes ont tiré de cet intervalle entre le réveil d’Ariadne et l’arrivée de Bacchus, quelles plaintes éloquentes ils ont mises dans la bouche de l’amante délaissée ! Il faut donc louer tout d’abord chez le peintre dont Philostrate nous décrit le tableau, le choix qu’il a fait entre deux moments de la légende d’Ariadne, ou plutôt deux traditions différentes, disons mieux, entre la tradition des poètes et celle des artistes ; car les prédécesseurs ne lui avaient pas man- qué. Pausanias nous parle déjà d’une ancienne peinture du temple de Dio- nysos, qui représentait Ariadne dormant, Thésée faisant voile sur la haute mer, et le dieu s’approchant d’Ariadne pour l’enlever (1). —

Sur les monuments, peintures, bas-reliefs ou pierres gravées qui nous of- frent le même sujet, Ariadne est presque toujours à demi couchée ; la partie supérieure du corps est plus ou moins relevée, suivant qu’elle s’appuie con- tre un terme (2), qu’elle est soutenue sur les genoux d’un autre personnage allégorique (3), ou qu’elle repose sur des coussins (4), partout la main droite se replie sur la tête, la main gauche ou soutient la tête (5) ou re- tombe mollement sur le sol (6). Si nous considérons la draperie, elle laisse le ventre, la poitrine, ou seulement un des seins à découvert ; quelquefois elle est soulevée par un Amour ou un Panisque (7) ; les jambes sont croisées. L’Ariadne de Philostrate, on peut le conjecturer, croisail aussi les jambes ; comme il n’est point question ni de terme, ni de personnage allégorique (8), ni de coussins, on peut croire qu’elle était étendue sur le sable du rivage, la tête appuyée peut-être contre la saillie d’un rocher que couvrait un pan de la draperie. Le bras droit dont la position n’est pas indiquée devait égale- ment s’arrondir au-dessus de la tête ; quant à la main droite, en la faisant reposer sur la chlæna pour la contenir, l’artiste ajoutait à sa composition un trait de pudeur, omis dans toute les représentations analogues ; peut- être y perdait-elle en grâce ; car rien n’est plus charmant, dans telle statue, que la tête d’Ariadne encadrée par la main gauche et soutenue mollement par le dos de la main droite. Si Philostrate parle des témérités du vent, c’est qu’Ariadne n’a point à vedouter celles de l’Amour ou du dieu Pan, et nous en concluons que ce personnage, le seul mentionné, ne soulevait point la draperie. Nous devons sans doute nous représenter Ariadne comme telle


(1) Pausanias, 1, 20, 5.

(2) Sur la fice antérieure d’un sarcophage romain, au Louvre, n° 241 du catalogue. Bouillon, If, bas-reliefs, pl. VI.

(8) Peint. de Pompéi, Müller-Wieseler, D. d. a. K., n° 420.

(4) La statue célèbre du Vatican. Müller-Wieseler, I, 418 ; Bouillon, II, 20. … (5) Monnaie de Périnthe, Müller-Wieseler, D. a. d. K., II, 417 ; pierre gravée, Museum Worsley. Ta. H, n° 1 ; Müller-Wieseler, 14id. Il, 419.

(6) Dans la peinture de Pompéi, n° 420 de Müller-Wieseler D. d. a. K. II et dans une peint. d’Herculanum, Antiq. d’H., 2, P. 103 ; Roux et Barré, Herc. et Pomp., I, 33.

(1) Ant. d’H., 2, p. 103.

(8) 11 n’y avait point de génie du sommeil, comme l’a cru Raoul Rochette (Choix de peint. de Pompéi, p. 54) qui a mal compris le texte de Philostrate