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lyre. Et Amphion, que fait-il ? il touche les cordes de la lyre ; il donne une entière attention à son jeu ; il laisse voir ses dents, autant qu’il est nécessaire à un chanteur ; or, il chante, j’imagine, cette mère féconde de toutes choses qui enfante même des murailles spontanées. Une chevelure, gracieuse par elle-même, erre gracieusement autour de son front, descend avec le duvet du visage le long de l’oreille, et se colore de reflets dorés ; elle tire un nouveau charme de la mitre, cet ornement aimable qui sied si bien à un joueur de lyre et que des poètes, auteurs d’hymnes sacrés, ont appelé l’œuvre des grâces. Je crois, pour ma part, qu’Hermès épris d’amour pour Amphion lui fit présent à la fois et de la mitre et de la lyre. La chlamyde aussi est un don d’Hermès ; car elle est d’une couleur variable et chatoyante, et passe par toutes les nuances de l’iris. Assis sur un tertre, il bat la mesure d’un pied ; de la main droite, armée du plectre, il frappe les cordes ; il les touche de la main gauche dont les doigts étendus font saillie, effet que la plastique seule me paraissait capable de produire. Mais passons. Que font les pierres ? Elles accourent en foule, attirées par le chant ; elles écoutent, elles s’assemblent pour élever les murailles. Les unes sont déjà en place dans la construction, les autres sont en train de monter, les autres ne font que d’arriver. Ce sont là de charmantes pierres, en vérité, qui rivalisent de zèle et travaillent en mercenaires sous les ordres du musicien ! Le mur a sept portes autant que la Iyre a de cordes.



Commentaire

Amphion était fils de la Thébaine Antiope et de Zeus[1]. Il passait pour avoir construit les murailles de Thèbes[2], construites aussi par Cadmes. Pour concilier ces deux légendes, les uns racontaient que la Thèbes d’Amphion ayant été détruite par des peuples voisins fut relevée par Cadmos ; les autres, qui faisaient vivre Amphion après Cadmos, prétendaient que la citadelle seule avait été bâtie par le roi phénicien, et que les murs mêmes de la ville avaient eu le citharède pour architecte.

À laquelle de ces versions Philostrate donne-t-il la préférence ? À la seconde, selon toute probabilité, puisqu’il suppose qu’à l’époque d’Amphion Thèbes existait déjà, mais qu’elle n’était point entourée d’un mur.

Amphion était un poète et un chantre inspiré. Les anciens, qui voulaient retrouver dans la légende l’explication de toutes choses, même de l’enthousiasme et du talent, imaginèrent qu’un dieu avait donné la lyre à Amphion

  1. Voir les diff. traditions, dans le dictionn. des antiq. de Saglio, art. Amphion.
  2. Hom., Od. XI, 262.