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rappelons-nous que la scène se passe sur les bords de l’Inachos ; c’est l’Inachos sans doute qui commence à se gonfler, dans la pensée de Philostrate ; c’est l’Inachos qui, à l’approche du dieu, refoulé comme par une mer plus impétueuse, soulève ses eaux d’un bleu clair ; le flot, en s’y mêlant, leur donnera une teinte profonde et sombre, une teinte de pourpre.

Remarquons, pour terminer, que les anciens savaient tirer parti des reflets en peinture. « Autour de ses membres d’albâtre, dit Philostrate parlant d’Amymone, l’or brille d’un éclat qui mêle sa lueur à celle de l’eau. » D’abord, qu’entendre par cet or ? sans doute des bracelets, et peut-être aussi ces anneaux que les femmes grecques portaient autour de la cheville. Ces ornements produisaient un double effet ; placés entre la chair et l’eau, ils faisaient sans doute étinceler l’une et animaient par le contraste la mate blancheur de l’autre.



IX

Le Marécage.


Le terrain est humide ; il produit le roseau et la fléole qui croissent naturellement, sans semis ni labour, dans les lieux marécageux. On distingue aussi dans le tableau le tamaris et le souchet, qui sont des plantes aquatiques. Des montagnes formant ceinture autour du marais perdent leur cime dans les airs ; elles ne présentent pas toutes la même nature de terrain ; le pin qui croît sur celles-ci annonce une terre fine et légère ; celles-là sont couvertes de cyprès qui attestent la présence de l’argile. Quant à ces sapins, ne disent-ils pas que la montagne qui les porte est rocailleuse et battue par les orages ? car ils ne se plaisent point dans un sol labourable, ils n’aiment point les rayons du soleil, aussi délaissent-ils la plaine pour la montagne, où ils doivent atteindre une plus grande hauteur. Des sources jaillissent en bouillonnant de ces hauteurs, elles suivent les pentes et confondant leurs eaux font de la plaine un marécage ; il n’y a d’ailleurs ni désordre ni confusion. L’art a dirigé le cours des ruisseaux comme l’aurait fait la nature, avec sa souveraine habileté. L’eau s’égare en de nombreux méandres où croît l’ache en abondance, où les oiseaux aquatiques se livrent en toute sécurité à leurs ébats. Vois ces canards, avec quelle aisance ils nagent et soufflent l’eau comme par jets ! Que dirons-nous de la tribu des oies ? La peinture est fidèle : ces oiseaux glissent sur la surface de l’eau, ils naviguent. Et ceux-ci perchés sur de longues jambes, tu les reconnais sans peine pour des étrangers, pour des personnages délicats ; ils ont chacun un plumage différent, leurs attitudes sont également variées. Celui-ci, au sommet d’un rocher, repose alternativement sur l’une de