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arrondis en voûte (1). Ailleurs Poseidon frappe de son trident le rocher, en présence d’Amymone, ornée d’une riche coiffure et baissant la tête (2). Quel- quefois enfin, Amymone debout, sa cruche en main, ou agenouillée comme pour puiser de l’eau, tient elle-même le trident, symbole de son union avec le dieu de la mer (3).

Dans le tableau qui nous occupe particulièrement, l’artiste avait choisi le moment où Poseidon, épris d’amour, s’élance des flots pour l’enlever. Point de satyre ; Amymone n’a point crié au secours ; le dieu l’a vue du fond de son royaume ; c’est assez pour justifier l’enlèvement. Poseidon ne poursuit pas la jeune fille un trident à la main ; il n’est point encore sorti des flots ; il est sur son char. La scène précède donc toutes celles que nous venons d’énumé- rer. L’apparition du dieu et la frayeur que cette apparition cause à la fille de Danaos, voilà quel en est le sujet.

Le char a étonné un commentateur. Si Poseidon eût été un fiancé, a-t-on dit, s’il se fût agi d’un enlèvement comme celui de Proserpine par Pluton, le char, les hippocampes ou les tritons n’auraient point été déplacés ; mais Poseidon n’est ici qu’un amoureux qui cherche à surprendre une jeune fille dans la solitude des boïs. Cette critique ne semble qu’une vaine chicane. Dans les récits de la fable, les dieux, tantôt cachent leur divinité, tantôt se mon- trent dans tout l’appareil de leur puissance aux mortelles dont ils sont épris. Leur nom seul peut être un moyen de séduction. Dans un dialogue de Lu- cien (4), Triton enlevant Amymone pour Poseidon qui s’est mis en embus- cade, s’écrie : « Tais-toi, Amymone, c’est Poseidon. » Et la fille de Danaos répond : « Que parles-tu de Poseidon ? H6, l’homme, pourquoi me faire violence et m’entraîner vers la mer. » Poseidon apparaissant sur son char, et sortant des flots, c’était là une manière de se nommer qui valait bien l’entremise of- ficieuse de Triton, qui lui-même sans doute aurait eu besoin de se faire re- connaître. D’ailleurs, puisque Poseidon parcourt les mers traîné par des hip- pocampes, on ne voit pas pourquoi il renoncerait à cet attelage pour aborder au rivage de Lerne et enlever une jeune fille qu’il aime. La première pensée du dieu, dans le dialogue de Lucien, est aussi de faire atteler son char ; mais il change d’avis et appelle un des dauphins les plus rapides : « Je monterai dessus, dit-il, et j’arriverai ainsi plus vite. (5) » Lucien veut évidemment railler les

(1) Sur un bassin (roêxr), Elite céram., IL, 74.

(2) Sur une coupe de la coll. Jatta, Gerhard, 4. V., 1, pl. XI, ?, Élite céram., II, 18.

(3) Winckelmann, collect, Stosch. I, cl. 12, n°* 862et 861. Overbeck, dans sa Myfhologie de l’art (Kunstmythologie : Poseidon) décrit longuement les différentes œuvres d’art, concernant le mythe de Poseidon et d’Amymone. L’Atlas et les planches qui accompagnent cet ouvrage re- produisent la plupart des compositions dont nous avons parlé. Voir l’Atlas, pl. XII, 3, 4, 6, 9, 10, 11, 14, 15 et la planche HI des gemmes, n° 4 et 5. Nous avons préféré renvoyer à des ouvrages plus anciens, les planches d’Overbeck étant d’une exécution molle et défectueuse.

4) Friederichs, Die Phil. Bild, p. 19.

(5) Dialogues marins, 6, traduct. Talbot, I, 107.