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leur taille, chers au Nil à bien des titres, et surtout parce qu’ils annoncent aux Égyptiens quelle sera la profondeur de ses eaux débordées. Ils sont amenés vers le dieu par le flot même, et semblent en sortir, frais et souriants, je crois même qu’ils ne sont pas privés de la parole. Les uns s’asseoient sur les épaules du fleuve, les autres se suspendent aux tresses de ses cheveux, ceux-ci s’endorment dans ses bras, les autres folâtrent sur sa poitrine. Et lui, le dieu, leur abandonne les fleurs qu’ils trouvent les uns sur sa poitrine, les autres entre ses bras, pour qu’ils s’en tressent des couronnes et s’endorment sur les fleurs, comme des êtres divins et sacrés. Ils montent sur les épaules les uns des autres, au bruit des sistres, dont les eaux du Nil aiment à retentir. Quant aux crocodiles et aux hippopotames que certains artistes placent à côté du Nil, ils se tiennent au plus profond du gouffre, pour ne point inspirer de frayeur aux enfants ; d’ailleurs voici les attributs de la navigation et de l’agriculture qui désignent manifestement le Nil, tu n’ignores pas pourquoi, mon enfant ; c’est le Nil qui rend l’Égypte navigable et dont les eaux bues par la terre donnent à ses plaines de si riches moissons. En Éthiopie, d’où il vient, se tient un dieu qui règle son cours avec prudence suivant les saisons ; dans le tableau, on devine qu’il est d’une stature à toucher le ciel ; il a le pied posé près des sources ; il semble baisser la tête, à Poseidon, en signe d’assentiment ; le fleuve tourne ses regards de son côté, et lui demande beaucoup d’enfants, semblables à ceux-ci.



Commentaire.

Il existe bien des différences entre la statue du Nil qui est au Vatican[1], et le tableau que nous décrit Philostrate. Le Nil du Vatican est à demi couché ; de son bras et de sa main gauches, il enveloppe une corne qui, posant à terre par l’extrémité, lui sert de point d’appui ; dans l’autre main qu’il étend sur ses cuisses, il tient une gerbe de blé ; les enfants, les Coudées, montent à l’escalade du géant, ils se divisent en quatre groupes principaux, l’un près des pieds, l’un près de la corne, un troisième tout contre la cuisse qui pose sur le sol ; un quatrième près de la gerbe. Deux enfants sont isolés : l’un, monté sur l’épaule du dieu, joue avec sa chevelure ; l’autre se tient debout, au milieu des fleurs et des fruits qui remplissent la corne d’abondance et croise les bras d’un air de triomphe. Les occupations des enfants sont diverses, ceux-ci jouent avec un crocodile, ceux-là avec un ichneumon ; les autres ne songent qu’à s’aider des pieds et des mains pour monter plus

  1. Museo Pio Clementino, I, 38 ; Bouillon, I, 61.