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Philostrate n’ose pas trop assurer que ces portes fussent dorées. Toute cette partie, le fond du tableau, est donc comme dans l’ombre. Comment la lumière se répartissait-elle entre les premiers plans du tableau ? Sans doute suivant la place assignée à chaque groupe. Mais combien y avait-il de groupes, et comment ces groupes étaient-ils disposés ? c’est ce que Philostrate nous laisse ignorer. De même, où se tenait Cômos ? était-il près de la chambre nuptiale ? Non, selon toute vraisemblance, car dans ce cas sa torche en aurait éclairé les portes assez vivement. Se trouvait-il au milieu du tableau ? Cela n’est guère plus probable ; les anciens mettent volontiers les personnages allégoriques à côté des personnages qui sont censés vivre de la même vie que nous ; rarement ils en font le centre d’une composition. Il devait se tenir, croyons-nous, sur le premier plan, à droite ou à gauche sous le portique ; là il s’offrait tout d’abord aux regards du spectateur ; il indiquait le sujet ; il charmait les yeux par sa beauté, par sa jeunesse et aussi par une exécution savante, comme le remarque Philostrate, à qui cette observation aurait sans doute échappé, si le dieu avait été plus enfoncé dans le tableau. Enfin, à cette place, il ne mêlait point sa personne d’un caractère distinct aux personnages réels du tableau. Nous connaissons par là la position d’une lumière, non des autres ; il est peu probable que le peintre eût adopté un grand parti de lumière ; si nous consultons les habitudes des anciens, les torches devaient être disposées avec symétrie, à des distances régulières. Mais la peinture des anciens nous est bien peu connue, et les peintures de vases et les bas-reliefs, auxquels nous pensons, constituent un genre trop distinct pour qu’il nous soit permis d’insister sur notre conjecture.

Ce Dieu ou ce génie du nom de Cômos n’est pas une invention de l’artiste qui a composé le tableau décrit par Philostrate. Nous le rencontrons souvent sur les peintures de vases[1], où il est accompagné de son nom, afin que nous ne puissions le méconnaître. Mais est-ce bien le même personnage ? Sur les vases, il fait partie du thiase bachique ; il est représenté sous la figure d’un satyre, avec les longues oreilles terminées en pointe, un nez peu régulier, la queue obligée, des formes rustiques, une gesticulation souvent excessive. La différence est manifeste ; Welcher en a tiré cette conclusion : le Cômos du thiase est un dieu, un génie ; le Cômos de Philostrate est un être allégorique, et c’est improprement qu’il est appelé un démon par notre auteur. Nous ne voyons pas trop, pour notre part, l’utilité de cette distinction. Dans la mythologie, on peut être un dieu et un personnage allégorique tout à la fois : pour n’en citer qu’un exemple, la Méthé qui accompagnait Bacchus dans un groupe de Praxitèle[2] était en même temps une divinité bachique et une personnification de l’ivresse. Seulement,

  1. Laborde, Collect. de vases grecs, pl. LXIV, LXV ; Dubois-Maisonneuve, 22 ; D’Hancarville, Antiquités, etc. II, 57 ; IV, 18 ; 46 ; 72 ; etc.
  2. Pline, XXXIV, 19, 10.