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pertoire de scènes amusantes ou dramatiques. Ariadne, dit Philostrate dans le tableau qui porte ce titre, fut abandonnée pendant son sommeil dans l’ile de Dia, par le perfide Thésée (fût-ce bien une perfidie ; quelques-uns prétendent qu’il céda à l’ordre de Dionysos) ; c’est là une fable que tu as entendu sans doute raconter à la nourrice ; car elles sont savantes en pareille matière les femmes de cette condition, et elles pleurent en contant, à volonté. » Ainsi un récit de nourrice suffit pour expliquer un tableau qui représentait un épisode de la vie de Dionysos, le dieu qui personnifiait autrefois l’exubérance de la vie physique et la domination des sens sur l’âme. C’est que pour Philostrate comme pour Catulle, comme pour l’artiste, cet épisode n’était plus qu’un conte d’amour[1].

Il resterait maintenant à nous prononcer sur l’authenticité des tableaux décrits par Philostrate. Mais de cette longue étude sur l’ouvrage du sophiste nous croyons être en mesure de tirer une conséquence, c’est que la question ne saurait être tranchée d’une façon absolue ; si en effet entre les tableaux de Philostrate et les œuvres d’art antique que nous connaissons, soit pour les avoir vues, soit pour en avoir lu la description, il y a tant de ressemblances ; si les différences ne sont pas grandes et qu’à la rigueur, la différence des époques suffise pour les expliquer : sur quel fondement déciderons-nous que l’imagination du sophiste a fait tous les frais de cette riche collection napolitaine ? Mais, dit-on, c’est un sophiste qui parle et les sophistes en général ne se piquent pas d’une scrupuleuse exactitude ; d’un autre côté, les tableaux de la galerie de Naples reproduisent certaines images chères aux sophistes ; de sorte qu’il y a lieu de

  1. Les mythes grecs, remarque M. Eug. Guillaume (Revue des Deux Mondes, 1er juillet 79, p. 190) sont des conceptions de l’ordre le plus élevé qui émeuvent à la fois toutes les facultés de l’esprit. Il n’est pas douteux que pour un sujet mythologique il ne faille autant de recherches et d’efforts que pour un sujet emprunté à l’histoire ; et cependant on croit pouvoir le traiter couramment. M. E. Guillaume a sans doute raison ; mais il faut bien reconnaître qu’il y a une autre manière, moins belle, moins noble, moins profonde de traiter les sujets mythologiques et que l’exemple nous en a été donné par les anciens eux-mêmes.