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antique. Le point de vue est différent ; de là, cette confusion dans laquelle se complaît l’auteur ancien qui croit ainsi compléter l’illusion et doubler le plaisir du lecteur ; de là notre malaise, notre espèce de mécontentement et de fatigue, à nous qui voulons être instruits. Toutefois, soit effet du hasard, soit par un besoin de clarté plus fort que les habitudes du rhéteur, Philostrate prend soin quelquefois de nous avertir qu’il raconte ou qu’il décrit[1] ; malheureusement, il ne fait pas cette distinction toutes les fois qu’elle serait nécessaire et quand nous essayons de la faire à son défaut, nous manquons d’un fondement certain. Dans notre commentaire de chaque tableau, souvent réduit sur ce point à des conjectures, nous avons adopté le principe de ne pas multiplier les scènes sans une nécessité absolue et de ne reconnaitre pour vraiment décrites d’après la peinture que celles qui nous ont paru dignes d’avoir été comme détachées du sujet principal, et représentées à part.

À côté de ces caractères communs à tout le genre, quoique plus apparents chez Philostrate, l’ecphrasis de notre auteur a aussi des caractères qui lui sont propres. N’oublions pas d’abord les circonstances, réelles ou supposées, dans lesquelles Philostrate a écrit ses descriptions, ni le but particulier qu’il se propose. « Mon intention, dit-il, n’est pas de nommer des peintres ou de raconter leur vie, mais d’expliquer des tableaux variés : c’est une conversation composée pour des jeunes gens, en vue de leur apprendre à s’exprimer et de former leur goùt. » Et Philostrate nous raconte qu’étant à Naples l’hôte d’un personnage qui possédait une galerie, il a, pour complaire au fils de la maison, entrepris l’éloge des peintures. Ainsi s’expliquent, non seulement le silence du sophiste sur les peintres, mais encore la rareté des remarques techniques, la puérilité de certaines observations, l’admiration un peu naïve pour des effets vulgaires, enfin la rapidité même de la description qui devient

  1. Voir, I, 46 (Pasiphaé) ; 19 (Les Tyrrhéniens) ; 24 (Hyacinthe) ; 27 (Amphiaraos) ; 30 (Pélops) ; II, 10 (Cassandre) ; 13 (Ajax), etc. Cf. Brunn, die Phil. Gem., p. 240.