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nageant sous la forme d’une génisse en or, à travers les flots à la couleur bleue ; là un Zeus en or rendant à Ino, près des flots du Nil ciselé dans l’argent, sa forme première ; dans un autre endroit élait Argo, tué par Hermès ; un oiseau né du sang d’Argo couvrait de sa queue les bords de la corbeille[1]. Les poètes latins n’eurent garde de renoncer à cette ressource, pour ainsi dire à cette pièce du choragium grec. Virgile toujours discret et mesuré, décrira en quelques vers le manteau brodé d’Iule qui représentait l’enlèvement de Ganymède, plus longuement, mais toujours avec sobriété, les portes du temple sculptées par Dédale, et les peintures du temple de Junon à Carthage. Dans Ovide, la lutte d’Arachné et de Minerve offre à Ovide l’occasion de décrire les merveilleux ouvrages des deux rivales ; Catulle, célébrant les noces de Thétis et de Pélée, semble oublier son sujet pour chanter les amours d’Ariadne et de Thésée. Et pourquoi cette digression ? C’est que la salle du festin est ornée de tapisseries qui représentent l’abandon d’Ariadne sur les rochers de Naxos et la joyeuse apparition du thiase, conduit par Dionysos. Stace et Martial ont comme à l’envi fait l’éloge de l’Héraclès épitrapézios chef-d’œuvre de Lysippe, qui était devenu la propriété de Nonius Vindex. De la part des poètes, ces descriptions d’œuvres d’art ne sauraient nous étonner ; c’est peut-être en raison de son affinité avec la poésie, que la philosophie ancienne décrivit aussi quelquefois, sinon des œuvres d’art réelles, du moins des scènes allégoriques qu’un peintre aurait pu copier ; témoin le tableau dit de Cébès, témoin encore l’allégorie imaginée par Cléanthe, dans laquelle la Volupté se montrait assise sur un trône, vêtue magnifiquement et entourée de toutes les Vertus empressées à la servir. Mais ce fut surtout au temps des sophistes et dans leurs discours, leurs traités, leurs dialogues, leurs écrits de tout ordre, que la description d’œuvres d’art s’étala avec complaisance. Lucien nous fait ainsi connaître un grand nombre de peintures antiques ; les

  1. Idylle, II, 37, 60.