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comme des exercices de rhéteur. À ce point de vue, elles nous offriront des caractères nouveaux qu’il est nécessaire de connaître pour juger Philostrate lui-même et cette partie de son œuvre.

Les anciens aimaient à faire remonter jusqu’à Homère lui-même l’origine de tous les genres littéraires qui se sont développés en Grèce. C’est aussi dans Homère qu’on trouve les premières descriptions d’œuvres d’art ; tout le monde connait la coupe de Nestor aux quatre anses ornées de colombes d’or[1] et le bouclier d’Achille, véritable poème ciselé dans l’airain, l’or et l’argent. Nous n’avons point à rechercher dans quelle mesure Homère unit à l’imagination l’exactitude de l’historien, ni si les scènes racontées par le poèle pouvaient tenir sur la surface forcément restreinte d’un bouclier. Il nous suffit de savoir qu’Homère en décrivant des œuvres d’art, réelles ou fictives, donna le premier un exemple que les poètes et les écrivains devaient suivre sans scrupule. Hésiode consacre tout un poème à la description du bouclier d’Héraclès. Euripide, dans Iphigénie à Aulis, fait l’énumération des figures qui servent d’emblèmes aux navires des Grecs : ici ce sont des Néréides en or ; là Pallas est montée sur un char ailé ; ailleurs Cadmus se dresse à la poupe, un dragon d’or entre les mains ; une figure, aux pieds de taureau, image de l’Alphée, domine le vaisseau de Nestor[2]. Dans la tragédie d’Ion, il décrit les tissus admirables à voir que le jeune serviteur d’Apollon tire des trésors sacrés pour en orner la tente du dieu. « On voyait représenté le Ciel, rassemblant les étoiles dans la voûte éthérée ; le Soleil animant ses coursiers sur la fin de leur carrière et trainant après lui Hespéros brillant d’un vif éclat. La Nuit couverte d’un voile sombre, pressait son attelage que n’assujettit aucun joug et les étoiles suivaient la déesse. Les Pléiades s’avançaient dans le milieu de l’éther avec Orion ceint de son épée ; au-dessus, l’Ourse enroulait sa queue

  1. Iliade, XI, 632.
  2. Iph. in A., v. 480 et suiv.