Page:Une Vie bien remplie (A. Corsin,1913).djvu/78

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
74
UNE VIE BIEN REMPLIE

était toujours accepté. Le jour venu pour cette petite fête, le locataire plantait à quelques pas de la maison une grande perche, à laquelle on fixait des bottes de paille ; on garnissait également le pied du mât de bottes de paille et de fagots d’épines. Le soir venu, après souper, chaque arrivant, avant d’entrer dans la maison, saluait d’un coup de fusil, qu’il tirait en l’air. Quand tous les invités étaient arrivés, le maître de la maison mettait le feu au bûcher et chacun tirait des coups de fusil dedans en faisant une ronde autour et en chantant. Quand la poudre était épuisée et le feu éteint, tout le monde entrait dans la maison boire du cidre en mangeant des galettes, dans lesquelles, en guise de beurre, on n’avait mis que l’écume. On s’en allait quand la demi-feuillette que l’on avait placée contre la boîte à pendule était vide ; tout le monde était content et un peu gris.

À une soirée, on parla des autres coutumes du pays, qui disparaissaient chaque jour, telles la grosse gerbe, le chanvre de la vierge, les étrennes du sonneur et les pâques des enfants de chœur, appelées aussi les rouclées.

La moisson finie, on assemblait une certaine quantité de gerbes, — de là la grosse gerbe, — qui contenait jusqu’à un demi-hectolitre de grains ; on la chargeait sur une voiture et était menée et laissée à l’église, après avoir été bénie par le curé. On dit aujourd’hui qu’il n’y a plus que les deux fermiers du château qui pratiquent cette coutume ; de ce fait l’église perd un beau bénéfice.

Le chanvre de la vierge a disparu complètement, par le fait d’abord qu’on ne le cultive plus. Cette coutume consistait, après la récolte, à porter à l’église une énorme poignée de chanvre, le mieux choisi, que le curé bénissait et gardait pour se faire du linge ou bien il le vendait ; de ce côté encore il a perdu une source de profits.

Pour le sonneur, il se rendait après moisson, avec un sac ; on lui donnait du blé pour le remercier d’avoir éloigné la grêle en sonnant la cloche ; cette coutume aussi a disparu.

La coutume des enfants de chœur subsiste encore, mais peu de monde donne. Dans la semaine de Pâques, ces enfants, vêtus du surplis blanc et de la calotte rouge, se rendaient dans les hameaux, agitaient une sonnette devant les