Page:Une Vie bien remplie (A. Corsin,1913).djvu/19

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
15
UNE VIE BIEN REMPLIE

don dans la cour ; les charrues, voitures, instruments aratoires étaient rangés en ordre sous un vaste hangar ; à gauche, bien exposés au midi, se trouvaient en enfilade les bâtiments d’abord, le local du propriétaire, composé de la cuisine servant de salle à manger ; d’une pièce y attenant formant bureau ; c’est là que les propriétaires recevaient à table leurs amis, car en temps ordinaire, ils mangeaient avec leurs domestiques : le laboureur, dit grand domestique ; un petit domestique, la première domestique, femme du laboureur et une petite vachère qui aidait en même temps à diverses besognes.

La patronne s’occupait des repas, soignait ses poules et dirigeait le travail de ses servantes. Une fois la semaine, accompagnée du jeune commis, elle allait mener à la ville beurre, ceufs, volailles ; elle ne stationnait pas, comme la plupart des autres fermières, sur le marché ; son marchand habituel venait à l’hôtel où elle remisait sa voiture et prenait livraison de ce qu’elle apportait ; payait séance tenante au cours du jour ; ce qui faisait dire aux autres femmes : Madame Mage n’est pas une paysanne comme nous, c’est une dame ; cela expliquait que cette maison était tenue plutôt comme une maison de commerçants que comme une ferme.

Le bâtiment était abrité au Nord par de hautes futaies : peupliers, trembles, charmes et si l’endroit n’eût pas été si solitaire, cette résidence aurait fait le charme de gens âgés rhumatisants, emphysémateux, qui, l’hiver, vont chercher bien loin un coin ensoleillé, abrité du vent.

Le fumier non plus n’était pas dans la cour, il se trouvait derrière les bâtiments ; près de là se trouvait un pavillon dont le devant avait un modeste entourage en fil de fer ; un petit parterre agrémenté de plantes fleuries et variées ; au-dessus de la porte une belle treille de chasselas presque en maturité à ce moment de l’année. C’est dans ce pavillon que me fit entrer Cadoret. Au rez-de-chausée, était la cuisine et deux pièces plus petites ; le premier comprenait trois chambres et un cabinet de toilette.

Mon ami me précéda pour me montrer ma chambre ; il n’y avait pourtant aucun luxe, mais habitué à voir toujours les mêmes maisons des hameaux sans aucune décoration, je trouvai tout charmant. Sur la cheminée : un buste en