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UNE VIE BIEN REMPLIE

ayant besoin de son argent pour vivre, faire la queue aux guichets pendant plusieurs jours pour toucher une minime somme, alors qu’il lui est dû des milliers de francs convertis en Rente, et cette Rente, qui a perdu 10 0/0 depuis vingt ans par le juste fait que l’argent français est placé à l’étranger et que les grandes banques recommandent ces placements contre le 3 0/0 français.

C’est contre tous ces agissements que crie le socialisme, et pourtant les rentiers sont peu nombreux dans son sein ; c’est le socialisme qui réclame que les traitements des petits soient plus élevés et que ceux des gros soient réduits.

Les instituteurs d’Allemagne gagnent 40 0/0 de plus que ceux de France ; c’est le socialisme qui, sans relâche, montre que les guerres sont la ruine des nations et des hommes ; c’est lui qui, il y a longtemps, a proclamé la nécessité d’un arbitrage international pour régler les différends.

Comment ne frémirait-on pas quand on pense que chaque homme peut coûter dix francs par jour en temps de guerre ; mettant seulement pour la France deux millions de soldats, ce qui fait l’énorme dépense de vingt millions par jour, soit six cents millions par mois, et cinq fois plus encore pour pertes de récoltes, ponts, chemins de fer, nouveau matériel, pensions, etc., soit environ trois milliards par mois de guerre. Et la tuerie ! N’est-ce rien ? Avec les armes perfectionnées, on ne peut compter moins de 200.000 hommes tués ou estropiés ; est-ce assez horrible ! Eh bien, lisez la grande presse, soutien naturel de la Bourgeoisie, vous verrez que les socialistes sont des fous ou des utopistes, des sans-patrie ; elle prêche, par contre, la repopulation, et si vous lui répliquez qu’il serait plus urgent d’abord de sauver les cent mille enfants qui chaque année meurent de misère, c’est-à-dire de la misère des auteurs de leur jour, que par exemple pour cela il faudrait protéger la mère et lui procurer les moyens de vivre sans travailler un certain temps avant et après ses couches, à cela la grande presse vénale ne répond pas ou elle dit : Où trouver de l’argent ?

En un mot, partout le socialisme s’affirme pour la défense du travail contre le capital exploiteur des petits, c’est-à-dire contre les rois de l’argent.