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UNE VIE BIEN REMPLIE

ment que la transformation économique rêvée, c’est-à-dire l’appropriation des instruments de travail, sol et sous-sol en propriété collective ou sociale, indivisée et inaliénable, ne pourra s’opérer que par la force, parce que la bourgeoisie, qui détient tout pouvoir : argent, armée, magistrature, clergé, ne consentira jamais à abandonner ses privilèges au profit de tous.

Venue au pouvoir économique par la grande révolution, elle a conscience de son histoire, qui lui montre que sa puissance vient de la possession des biens de la noblesse et du clergé ; aussi, elle n’hésitait pas à faire guillotiner les émigrés qui rentraient en France, moyen radical pour éviter les réclamations.

Elle s’est montrée combative, révolutionnaire même, jusqu’en 1830, où elle a pris les armes contre la royauté, parce qu’elle voyait que l’avènement d’une monarchie de droit divin, dans la personne de Charles X, soutien des émigrés, pourrait remettre sa propriété en question. Mais, après avoir conquis, en 1848, le pouvoir politique, elle eut toutes les forces en mains ; elle est encore, en apparence frondeuse, voltairienne, mais séparée complètement du peuple, elle est anticléricale pour lui faire prendre le change, elle va régner désormais par le suffrage universel qu’elle dirigera à son gré.

Viennent des revendications de la classe ouvrière, elle les repoussera par la violence, dans le sang pour les étouffer, et la répression sera d’autant plus terrible que les revendications auront d’importance.

C’est ainsi que la révolution du 18 mars 1871 connut les horreurs d’un carnage sans précédent dans l’histoire. La Commune vaincue, la bataille finie, la bourgeoisie immola plus de trente mille victimes, la fusillade n’étant pas assez expéditive, on eut recours aux mitrailleuses ; pourquoi pareille barbarie envers ses concitoyens, alors qu’à la guerre entre nations, on respecte la vie des prisonniers, tout simplement parce que la Commune avait écrit sur son drapeau : « Abolition de la propriété individuelle ».

Instruit par le passé, le prolétariat conscient a vu qu’il n’obtiendrait rien de cette bourgeoisie, s’il ne se liguait. s’associait, se fédérait pour exposer ses desiderata, c’est de ce sentiment que s’est pénétré le socialisme ; en 1881, pour