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puis neuf ans chez Mohammed Raouff, à la mère duquel elle fut donnée par le premier mari de celle-ci, un Grec renégat, qui exerçait les hautes fonctions de garde des sceaux, et l’avait achetée au Djerid[1] trois mille piastres (moins de mille francs). Quand elle apprit cette bonne nouvelle, elle faillit devenir folle de joie, si bien que, le soir, elle oublia de jeter les balayures à la rue. Le lendemain matin, quand le tombereau des immondices fut passé et que les autres serviteurs lui rappelèrent son oubli et les conséquences qu’il pouvait avoir, car Raouff passe pour avoir commis plusieurs meurtres sur la personne de ses esclaves, elle répliqua tout exaltée : « Sous la protection de l’autorité française, nous n’avons plus rien à craindre. » Ce propos fut rapporté à Raouff, qui la bâtonna avec la dernière brutalité ; puis, quand il fut fatigué de la battre, il la fit encore rouer de coups, par trois hommes à son service.

« La troisième femme que j’avais vue le visage à découvert, mais qui ensuite est restée voilée, d’après ce qu’elle dit, et au témoignage même de mon interprète, est une Arabe pure, qui ne sait même pas la langue de ses compagnes, comme il arriverait si elle était la fille

  1. Ce renégat Grec avait donc acheté l’esclave nonobstant le traité de 1875. Note de l’auteur.