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à coup sur ses bras mutilés, le regard anxieusement tourné vers un point fixe ; elle venait de revoir sa fille sur le chameau du Djellab, remontant l’autre rive après avoir traversé le gué du fleuve[1]. Ses yeux blancs vitreux s’ouvrirent comme s’ils eussent voulu sortir de leur orbite noire : elle tendit la main de ce côté et un cri aigu, prolongé et déchirant, s’échappa de sa poitrine. A cet instant, sa fille disparaissait pour toujours !…

« Cette scène, où tout était amour et malheur d’un côté, arbitraire et iniquité de l’autre, démontre chez le nègre un esprit de famille plus développé que ne veulent le croire ses exploiteurs. Michelet a-t-il eu tort en disant de cette pauvre race tant calomniée, qu’elle était la race du sentiment ? »

Encore quelques lignes du même auteur et voyageur :

« … Dans cette plaine[2], nous vîmes poindre à l’horizon devant nous quelque chose qui paraissait animé : l’objet sembla grandir et changer de forme. Après plusieurs heures de marche nous reconnûmes un convoi d’esclaves… J’arrêtai mon chameau pour mieux observer

  1. Le Nil Bleu.
  2. Désert de Korosko, entre cette ville, le Nil et l’île Abou-Hamid ou Mihrat.