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LETTRE VINGT-TROISIÈME


je vis alors ? Je ne trouve pas de termes propres à rendre ma stupéfaction. Je voyais se dresser devant moi la formidable réalité dont le consolateur de ma tante n’était que l’infime reproduction…

Quelle feuille de figuier il eût fallu à Me J… pour se présenter décemment devant le Seigneur irrité !

Je m’expliquais maintenant les gémissements de la pauvre Rose ; vraiment, on se plaindrait à moins !

Tu ris en me lisant, chère Albertine, et tu te représentes Me J… ridiculement laid, grotesque même ? Et bien ! non : sa laideur avait disparu ; ses yeux flamboyants, ses narines dilatées, l’ardente passion qu’exprimait son visage enflammé, l’énergie de son attitude, tout cela l’avait transfiguré. Il était presque beau ainsi. Il m’inspirait deux sentiments assez difficiles à concilier : une sorte de vague désir, mêlé d’effroi.