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UN ÉTÉ À LA CAMPAGNE


La plus jeune des deux se nommoit Anaïs ;
Par l’autre tout enfant elle fut recueillie,
Étudia sous elle, et la brune Eulalie
Rêvant pour son élève, alors grande et jolie,
Dans notre Sahara quelque riche oasis,
Lui délivra bientôt un brevet de Laïs.

Eulalie affichait un veuvage illusoire ;
On acceptait ce deuil, mais plus d’un médisant
Qui de l’obscur passé jugeait par le présent,
Fredonnait un couplet de Madame Grégoire,
Contestait feu l’époux, et s’en allait glosant
Sur ce livre inédit d’une galante histoire.

Quoi qu’il en fût, d’ailleurs, ces deux femmes s’aimaient ;
Entre elles fort souvent de doux noms s’échangeaient ;
Éprouvant toutes deux disette de famille,
Elles s’en étaient fait une de pacotille ;
L’une disait : « Maman ! » l’autre disait : « Ma fille ! »
Et comme mère et fille ensemble elles vivaient.

De l’opposition de leurs deux caractères
L’union était née ; à la loi des contraires
Elles obéissaient ; de leur vie à vau-l’eau,
Où tout était commun, amours, bonheurs, misères,
Elles se partageaient par moitié le fardeau !
La blonde était le lierre et la brune l’ormeau.