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UN ÉTÉ À LA CAMPAGNE


À l’autre, voulez-vous ? L’autre était forte, brune,
Nature vigoureuse et même un peu commune ;
De ses cheveux lustrés le plantureux bandeau
Avait les noirs reflets de l’aile du corbeau ;

Bondissant au contact, tendue à n’y pas croire,
La chair de cette femme était un bloc d’ivoire.
Le matelas, creusé sous ses robustes flancs,
Gémissait par moments ; insensible à la gloire
De porter tant d’appas, le lit, de temps en temps,
Craquait et protestait par de plaintifs accents.

J’ai bonne envie ici, pour abréger ma peine,
De m’en remettre à vous du soin de mon portrait ;
Mariez savamment le marbre avec l’ébène,
Faites de ce mélange une femme au complet,
Vous aurez ma dormeuse ; ajoutez-y ce trait :
L’été brûlait en elle, elle avait la trentaine.

J’entends qu’on m’interrompt au milieu du récit :
Eh quoi ! vous étiez là ! Vous les avez donc vues,
Ces pauvres femmes, hein ! sur leur lit étendues ?
Vous vous étiez sans doute en cachette introduit,
Et vous teniez, vaurien, dans un coin du réduit ?
— Moi ! pas le moins du monde ; elles m’étaient connues

Bien avant ce soir-là, s’il faut vous dire tout,