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UN ÉTÉ À LA CAMPAGNE

Une nuit orageuse.


C’était une nuit d’août : l’incertaine lumière
Que tamisait la lune à travers les rideaux
D’une chambre coquette éclairait le repos
De deux femmes ; brûlante et lourde, l’atmosphère
Pesait de tout son poids sur ce pauvre hémisphère,
On sentait dans sa chair se dissoudre ses os.

Vu le chaud qu’il faisait, légèrement couvertes,
Deux femmes sommeillaient, ainsi que je l’ai dit,
De crainte des voleurs usant du même lit ;
Leur pose était charmante : aux fenêtres ouvertes
S’il se fût, en effet, montré quelque bandit,
Le scélérat eût fait d’étranges découvertes.

Puisque Phébé veut bien nous prêter ses rayons,
Soulevons le rideau d’une main indiscrète.
Je sais que de l’Albane il faudrait la palette
Pour peindre dignement la nocturne toilette
De ces dames, et moi je n’ai que des crayons
Fort mal taillés encor… Bah ! tant pis ! essayons.

Du lit en désarroi tombait la couverture,
Le drap était en fuite, et laissait voir deux corps
Dont la chair rebondie, arrachée aux efforts
Du corset, ce moderne instrument de torture,