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LETTRE DIX-HUITIÈME


Un peu molle, il est vrai ; l’enfant ne demandait
Qu’à se laisser ravir ce qu’il me refusait ;
Après avoir reçu mes premières caresses :
« Est-ce ainsi, me dit-il, que tu tiens tes promesses ?
Moi je te donne tout sans te promettre rien ;
C’est en paroles, toi, que tu manges ton bien.
Est-il cher, le cheval ? » J’eus peine à me défendre ;
Le railleur obstiné ne voulait pas se rendre
À mes raisons ; enfin nous signâmes la paix.

Accablé de sommeil, depuis peu je goûtais
Un repos bien gagné, quand je sens qu’on me pousse ;
Je m’éveille en sursaut, cherchant d’où la secousse
Pouvait venir : « Mon maître, eh quoi ! déjà tu dors !
Murmurait mon disciple ; au bout de tes efforts
Es-tu donc ? » Ce disant il jouait de l’épaule
Et se pressait sur moi. Je vis bien que le drôle
Se payait amplement lui-même des faveurs
Qu’il accordait. Je dus ranimer les lueurs
D’un foyer presque éteint, dans un monceau de cendre
Chercher une étincelle, en un mot, entreprendre
Un travail difficile, ingrat et long surtout ;
Je l’entrepris pourtant, et si j’en vins à bout,
Si mon honneur fut sauf, ce ne fut pas sans peine ;
Quand je touchai le but, j’étais tout hors d’haleine.

Après un tel exploit, je pouvait espérer

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