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doxal de l’auteur de Claudie, pour les résolutions et les révolutions féminines qui dépassent la mesure.

Voici ces deux lettres :

À monsieur Auguste Vacquerie.

Je ne vous ai pas remercié du plaisir que m’a causé Jean Baudry. J’espérais le voir jouer. Mais mon voyage à Paris étant retardé, je me suis décidée à le lire, non sans un peu de crainte, je l’avoue. Les pièces qui réussissent perdent tant à la lecture, la plupart du temps ! Eh bien, j’ai eu une charmante surprise. Votre pièce est de celles qu’on peut lire avec attendrissement et avec satisfaction vraie.

Le sujet est neuf, hardi et beau. Je trouve un seul reproche à faire à la manière dont vous l’avez déroulé et dénoué : c’est que la brave et bonne Andrée ne se mette pas tout à coup à aimer Jean à la fin, et qu’elle ne réponde pas à son dernier mot : Oui, ramenez-le, car je ne l’aime plus, et votre femme l’adoptera ; ou bien guérissez-le, corrigez-le, et revenez sans lui.

Vous avez voulu que le sacrifice fût complet de la part de Jean ; il l’était, ce me semble, sans ce dernier châtiment de partir sans récompense.

Vous me direz : la femme n’est pas capable de ces choses-là. Moi, je dis : pourquoi pas ? Et je ne recule pas devant les bonnes grosses moralités : un sentiment sublime est toujours fécond. Jean est sublime ; voilà que cette petite Andrée, qui ne l’aimait que d’amitié, se met à l’aimer d’enthousiasme, parce que le sublime a fait vibrer en elle une force inconnue. Vous voulez remuer cette fibre dans le public, pourquoi ne pas lui montrer l’opération magnétique et divine sur la scène ? ce serait plus contagieux encore ; on ne s’en irait pas en