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rie, resté seul chargé de la direction politique, supplée aux chers compagnons qui sont morts, et bat toujours, d’un rythme sonore, régulier, cette marche en avant, qui n’est pas la course folle, la débandade des conscrits se ruant à l’assaut, mais le pas soutenu, égal, de l’armée sérieuse, disciplinée, virile, sans impatience et sans faiblesse.

C’est ainsi que le poète continue depuis douze ans, avec une douceur inébranlable et un courage que rien ne fait mollir, cette vie âpre et laborieuse qu’il annonçait dans ses vers.

Ne s’écriait-il pas en 1848 ?

J’aurai, mon grand Paris, un cœur digne du tien.
Je sens dans le songeur éclore un citoyen.
Je veux dorénavant suivre tout ton exemple ;
Je veux, en même temps que celui qui contemple,
Être celui qui lutte, et mon être s’accroît
Du serviteur de l’art au combattant du droit.
Je ferai, méprisant l’injure et la tempête,
Mon devoir d’homme avec ma tâche de poète,
Et je réunirai dans le même souci
Ce qui brille là-haut et ce qui souffre ici.

Ces vers nous ramènent en arrière, aux années de poésie pure.

J’ai tenté l’esquisse du journaliste, du citoyen. Voyons le poète ; l’homme, alors, se dégagera seul, tout entier, en pleine lumière.