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miss Laugham et moi ; sa présence me troublait tellement que je fus incapable de compter mes levées et que je ne m’apercevais même pas quand je retournais un atout. J’étais sûr de perdre dans ces conditions et comme d’ailleurs la jeune fille n’avait pas plus la tête au jeu que moi, nous faisions deux pitoyables partenaires. Nous ne savions qu’une chose : c’est que nous étions au comble du bonheur, au sixième ciel, et que nous ne voulions pas en descendre.

J’eus le courage de lui avouer mon amour ; oui, j’eus cette force de volonté ! À ma déclaration, elle rougit jusqu’à la racine des cheveux, mais me répondit d’un air radieux, qu’elle aussi m’aimait.

Oh, quelle délicieuse soirée ! Toutes les fois que je marquais un point, j’ajoutais un petit mot à son intention ; à son tour, elle comptait les levées en ripostant gentiment. Je ne pouvais plus dire un mot, sans ajouter : « Que vous êtes délicieuse ! » Elle reprenait : « Quinze deux, quinze quatre, quinze six, et une paire font huit, et huit font seize. C’est bien cela, n’est-ce-pas ? » Et, ce disant, elle me regardait de côté à travers ses jolis cils blonds. Dieu qu’elle était délicieuse et fine pendant cette partie !

Je fus très loyal et droit vis-à-vis d’elle, et lui