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porte un million de livres dans la poche de son gilet. Au début, on me cita au bas de la colonne de la chronique locale ; mais, peu à peu, on me donna le pas sur les chevaliers et les barons ; tant et si bien que, ma notoriété augmentant de jour en jour, je finis par atteindre le faîte des grandeurs et eus la préséance sur les ducs et les hauts membres du clergé ; seuls, la famille royale et le primat d’Angleterre passaient avant moi dans les « mondanités ». Mais notez bien que tout ceci n’était que de la pure notoriété ; j’aspirais à mieux encore ; il me fallait une renommée universelle. Le coup décisif fut porté par Punch, qui me caricatura, et en un instant je vis mon humble et périssable notoriété se transformer en une gloire inaltérable ; je venais de recevoir « l’accolade », j’étais maintenant un homme « arrivé » ! On pouvait plaisanter sur mon compte, mais avec respect et sans grossièreté ; on riait de mon aventure, mais personne ne se serait avisé de se moquer de moi.

Punch me représenta sous les traits d’un vagabond couvert de haillons, en train de bavarder avec un garde de la Cour de Londres.

Vous imaginez-vous l’affolement que j’éprouvai ? Moi, pauvre diable auquel personne ne faisait attention hier, je devenais subitement le point de mire