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délicatesse d’un ours, beaucoup plus remarquable que la douceur du lion africain envers l’esclave auquel il tend la patte pour se faire extirper une épine. Notez bien que mon ours n’avait pas d’épine dans le pied.

Lorsque j’arrivai au haut de la colline, je posai ma carabine contre un arbre, et me mis en devoir de cueillir mes mûres, allant d’une haie à l’autre, et ne craignant pas ma peine pour remplir consciencieusement mon seau. De tous côtés, j’entendais le tintement argentin des clochettes des vaches, le craquement des branches qu’elles cassaient en se réfugiant sous les arbres pour se mettre à l’abri des mouches et des taons. De temps à autre, je rencontrais une vache paisible qui me regardait avec ses grands yeux bêtes, et se cachait dans la haie. Je m’habituai très vite à cette société muette, et continuai à cueillir mes mûres au milieu de tous ces bruits de la campagne ; j’étais loin de m’attendre à voir poindre un ours. Pourtant, tout en faisant ma cueillette, mon cerveau travaillait et, par une étrange coïncidence, je forgeai dans ma tête le roman d’une ourse qui, ayant perdu son ourson, aurait, pour le rem-