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tous voudraient en apercevoir un, de loin, dans la forêt ; ils se demandent d’ailleurs ce qu’ils feraient en présence d’un animal de cette espèce. Mais l’ours est rare et timide et ne se montre pas souvent.

C’était par une chaude après-midi d’août ; rien ne faisait supposer qu’un événement étrange arriverait ce jour-là. Les propriétaires de notre chalet eurent l’idée de m’envoyer dans la montagne, derrière la maison, pour cueillir des mûres. Pour arriver dans les bois, il fallait traverser des prairies en pente, tout entrecoupées de haies, vraiment fort pittoresques. Des vaches pâturaient paisibles, au milieu de ces haies touffues dont elles broutaient le feuillage. On m’avait aimablement muni d’un seau, et prié de ne pas m’absenter trop longtemps.

Pourquoi, ce jour-là, avais je pris un fusil ? Ce n’est certes pas par intuition, mais par pur amour-propre. Une arme, à mon avis, devait me donner une contenance masculine et contrebalancer l’effet déplorable produit par le seau que je portais ; et puis, je pouvais toujours faire lever un perdreau (au fond j’aurais été très embarrassé de le