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LES AVENTURES DE TOM SAWYER.


XII

TANTE POLLY, MÉDECIN.


Si le cauchemar qui avait troublé le sommeil de Tom ne pesait plus sur lui, c’est qu’un nouvel intérêt l’absorbait. Becky Thatcher avait cessé de venir à l’école. On la disait malade. Si elle allait mourir ? Cette pensée désespérait notre héros, qui ne songea plus à se faire clown, chef d’une tribu sauvage ou même pirate. Il laissa de côté son cerceau, sa balle, ses billes. Tante Polly s’inquiéta ; elle le crut indisposé et lui administra toutes sortes de remèdes. C’était une de ces bonnes âmes qui ont foi dans les médecines brevetées. On n’inventait aucune drogue qu’elle n’eût envie d’essayer, non sur elle-même — car sa santé ne laissait rien à désirer — mais sur quiconque lui tombait sous la main. Elle recevait une de ces feuilles périodiques qui apprennent à leurs abonnés à mourir sans l’aide du médecin, et prenait pour paroles d’Évangile les réclames que les charlatans font insérer dans ces publications populaires. Forte de ses connaissances hygiéniques, elle prodiguait les consultations gratuites au grand dommage de ses voisins.

À cette époque, une nouvelle panacée devenait à la mode. Tante Polly avait appris que l’hydrothérapie était un spécifique souverain contre l’apathie et contre bien d’autres malaises. Tom avait évidemment besoin de stimulants. Chaque matin, au saut du lit, il fut installé devant une des cloisons du bûcher, inondé d’eau froide et frotté avec une serviette de grosse toile qui produisait l’effet d’une râpe et donnait à sa peau la couleur d’un homard bouilli. Ensuite on enveloppait le pa-