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JACK POTTER.

minute à voir la foudre écraser le faux témoin et s’étonnaient que la vengeance divine fût si tardive. Tout d’abord ils furent tentés de manquer à leur serment et de disculper le prisonnier ; mais lorsque Joe, après avoir terminé son récit sans sourciller, demeura sain et sauf, ils ne songèrent plus à le dénoncer. Il était clair que ce mécréant avait vendu son âme au diable et qu’il serait dangereux de s’attaquer à lui.

— Pourquoi n’êtes-vous pas parti ? Pourquoi êtes-vous revenu ? demanda quelqu’un à Potter.

— Ah ! pourquoi ! répéta le malheureux. Je n’ai pas pu m’en empêcher. J’ai voulu me sauver et mes jambes m’ont ramené ici.

Quelques minutes plus tard, sous le sceau du serment, Joe l’Indien répéta sa déposition devant le jury d’enquête avec le même calme que la première fois. Notre héros et son ami, voyant que le ciel ne s’ouvrait pas pour foudroyer le faux témoin, demeurèrent plus persuadés que jamais qu’il avait vendu son âme au diable.

Joe l’Indien aida à relever le cadavre du malheureux qu’il avait assassiné et à le poser sur le brancard qui était resté là. Un frémissement parcourut la foule lorsqu’un spectateur déclara que la blessure avait saigné. Huck espéra que cet indice infaillible allait mettre la justice sur la voie ; mais une vieille femme s’écria : « Cela n’est pas étonnant, puisque Jack Potter se trouvait à moins de trois pieds de sa victime » ; et la manifestation cadavérique, réelle ou imaginaire, fut attribuée au voisinage de l’infortuné ivrogne.

Pendant plusieurs semaines le sommeil de Tom fut sans cesse troublé. Un matin, à déjeuner, Sid adressa à ce sujet des reproches à son frère.

— Tom, tu te remues toute la nuit et tu parles tant dans ton sommeil que tu m’empêches de dormir.

Tom pâlit.

— C’est mauvais signe, dit tante Polly. Qu’as-tu sur la conscience ?