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XI

JACK POTTER.


Un peu avant midi, la ville de Saint-Pétersbourg fut soudain mise en émoi par une horrible nouvelle. Personne, à l’époque où se passe ce récit, ne songeait au télégraphe électrique. Néanmoins, un courant invisible transportait la nouvelle de groupe en groupe, de maison en maison, avec presque autant de rapidité que si l’appareil de Morse ou celui de Hughes eût déjà fonctionné. Naturellement le maître d’école donna congé à ses élèves pour cet après-midi. Les citoyens de Saint-Pétersbourg auraient eu une piètre opinion de lui s’il eût agi autrement.

Un couteau couvert de sang avait été trouvé à quelques pas de la victime dont chacun déplorait la fin prématurée. La rumeur publique ajoutait que ce couteau avait été reconnu comme appartenant à Jack Potter, et qu’entre cinq et six heures du matin un citoyen attardé avait aperçu ledit Potter qui se lavait les mains au bord de la rivière et qui s’était enfui à son approche — circonstances bien faites pour éveiller des soupçons, surtout celle des ablutions, qui n’entraient pas dans les habitudes du vieil ivrogne. On ajoutait que les constables avaient parcouru la ville à la recherche du meurtrier — le public avait prononcé son verdict bien avant le jury — mais que l’on n’était pas encore parvenu à le découvrir.

Les curieux se dirigeaient vers le cimetière. Tom, oubliant que son cœur était brisé, se joignit à eux. Au fond, il aurait mille fois préféré suivre un autre chemin que celui-là ; mais une fascination inexplicable