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L’ASSASSINAT.

Au lieu de s’agenouiller, Huck se mit tout à coup à fredonner un refrain de chanson nègre.

— Tais-toi donc ! s’écria Tom. Si c’est comme ça que tu pries !

— Je me moque d’eux, répliqua Huck. Ce ne sont pas des diables. Je reconnais la voix de Jack Potter. Cachons-nous derrière les arbres. Celui-là ne sera pas assez fin pour nous découvrir. Il doit être ivre, selon son habitude.

— N’importe, tiens-toi tranquille. Ils s’avancent de notre côté. Ils ont l’air de chercher quelque chose… Tu ne te trompais pas, Huck, c’est bien Jack Potter, et voilà Joe l’Indien.

— Ce satané métis ! J’aimerais presque autant avoir affaire au diable. Que viennent-ils chercher ici ?

Les chuchotements cessèrent, car les nouveaux venus, arrivés près de la fosse où gisait Williams le Borgne, n’étaient plus qu’à quelques pieds de la cachette des gamins.

— Nous y sommes, dit une troisième voix. Celui qui parlait leva la lanterne qu’il tenait et révéla ainsi le visage du jeune docteur Robinson.

Potter et Joe l’Indien portaient un brancard sur lequel se trouvaient une corde et deux bêches. Ils posèrent leur fardeau à terre et s’apprêtèrent aussitôt à ouvrir la tombe. Le docteur, après avoir placé la lanterne sur le brancard, s’assit, le dos appuyé contre un des ormes. Il s’était installé si près de Tom que ce dernier aurait pu le toucher en allongeant le bras.

— Vivement, Jack, dit-il. La lune peut se montrer d’une minute à l’autre.

Les travailleurs grommelèrent une réponse et se mirent à creuser. Pendant quelque temps, on n’entendit que le grincement des bêches et le bruit du terreau ou des gravats qu’elles jetaient de côté. Enfin un des outils résonna sur le bois du cercueil, que les deux hommes eurent