Page:Twain - Les aventures de Tom Sawyer, trad Hughes, illust Sirouy, 1884.djvu/77

Cette page a été validée par deux contributeurs.


IX

L’ASSASSINAT.


Le même soir, vers neuf heures, tante Polly envoya les enfants se coucher. Sid ne tarda pas à s’endormir ; mais Tom demeura éveillé, comptant les minutes avec une impatience fiévreuse. Il s’attendait presque à voir paraître le jour lorsque dix heures sonnèrent ! De crainte de troubler le repos de Sid, il n’osait frétiller, ainsi que l’exigeait l’état de ses nerfs. Il se tint coi, contemplant les ténèbres et trouvant le silence lugubre. Soudain, le tic-tac d’un de ces insectes auxquels on a donné le nom sinistre d’horloge de la mort, résonna dans le mur, au chevet de sa couchette. Ce tic-tac monotone — tout le monde sait cela, ou du moins personne ne l’ignorait à Saint-Pétersbourg — annonce que les jours de quelqu’un sont comptés, et Tom n’aimait pas à l’entendre. Il se demandait si le temps avait cessé de marcher, quand le sommeil s’empara enfin de lui. Le coucou qui se trouvait au bas de l’escalier sonna onze heures ; mais le dormeur n’entendit que des miaulements mélancoliques qui se mêlaient aux péripéties d’un rêve confus. Le bruit d’une croisée qui s’ouvrait, d’une voix qui criait : « Veux-tu décamper, vilain matou ! » et d’une bouteille qui se brisait contre un mur de planches, le réveilla en sursaut. Quelques minutes plus tard, il était habillé, se glissait par la fenêtre et rampait le long d’une espèce d’auvent. Il miaula avec prudence à plusieurs reprises durant ce périlleux trajet, puis sauta sur le toit d’un hangar et de là à terre. Huckleberry l’attendait avec son chat mort. Les deux amis s’éloignèrent à la hâte et disparurent dans l’obscurité. Une demi-heure après, ils s’avançaient