Page:Twain - Les aventures de Tom Sawyer, trad Hughes, illust Sirouy, 1884.djvu/63

Cette page a été validée par deux contributeurs.
52
LES AVENTURES DE TOM SAWYER.


VII

LES FIANÇAILLES.


Plus Tom cherchait à fixer son attention sur son livre, plus son esprit battait la campagne. À la longue, entre un soupir et un bâillement, il renonça à lutter. Il lui semblait que l’heure de la récréation ne sonnerait jamais. La chaleur était accablante ; aucune brise n’agitait l’air. Le murmure somnifère de vingt-cinq ou trente voix d’écoliers produisait une sorte d’engourdissement moral. Par une croisée ouverte, on voyait les collines de Cardiff dont les pentes vertes apparaissaient au loin sous une brume empourprée ; quelques rares oiseaux planaient dans l’air à une grande hauteur ; aucun autre être vivant ne se montrait, si ce n’est quelques vaches, et les vaches dormaient.

Tom brûlait d’impatience. Au lieu de travailler, il comptait les secondes, ce qui ne servait qu’à faire paraître les minutes plus longues. Par hasard, il porta la main à sa poche, et son visage s’illumina. Il en tira furtivement la boîte à pilules et relâcha le carabique dont Huck ne s’était défait qu’à contre-cœur. La pauvre bête se mit aussitôt à courir le long du pupitre avec une vivacité qui témoignait du bonheur qu’elle éprouvait de sortir de sa cage obscure. Hélas ! sa joie était prématurée. À peine eut-elle commencé son voyage que Tom, l’arrêtant avec une épingle, l’obligea à revenir sur ses pas.

Le propriétaire du carabique avait pour voisin de droite son camarade Joe Harper, qui ne tarda pas à prendre un vif intérêt à ce divertissement. Bien que les deux écoliers se rencontrassent chaque samedi à la tête d’une armée ennemie, cela ne les empêchait pas d’être les