Page:Twain - Les aventures de Tom Sawyer, trad Hughes, illust Sirouy, 1884.djvu/60

Cette page a été validée par deux contributeurs.
49
COMMENT ON SE DÉBARRASSE DES POIREAUX.

rompu de nouveau. On se demandait si Tom, dont on connaissait pourtant l’audace, avait perdu la tête.

— Pour causer avec qui ? reprit enfin le maître. Je crois avoir mal entendu.

— Avec Huckleberry Finn, répéta Tom.

Cette fois, il n’y avait pas à s’y tromper.

— Thomas Sawyer, voilà un aveu qui me confond. Vous n’en serez pas quitte pour de simples coups de férule. Ôtez votre jaquette.

Et le bras du magister fonctionna jusqu’à ce qu’il fût fatigué et jusqu’à ce que le jonc qu’il employait dans les grandes occasions fût brisé.

— Maintenant, dit-il, prenez vos livres et allez vous asseoir du côté des filles. Que cela vous serve de leçon.

Les ricanements qui accueillirent notre héros semblèrent le remplir de confusion ; mais en réalité, son but était atteint. Lorsqu’il s’assit au bord du banc, son idole se recula en hochant la tête d’un air dédaigneux. Les autres élèves échangèrent des coups de coude et des clins d’œil. Tom se tint coi, les yeux fixés sur un livre dont il ne lisait pas un mot. Peu à peu, un murmure confus annonça que la ruche reprenait son travail. Tom commença à lancer des regards furtifs à sa voisine qui fit la moue et lui montra le dos. Lorsqu’elle se retourna, il y avait sur son cahier une pêche qu’elle repoussa sans trop d’animosité. Tom replaça son offrande au même endroit et se mit à dessiner sur son ardoise en affectant de cacher son œuvre. La demoiselle feignit d’abord de ne pas s’occuper de lui ; mais il ne fallait pas une forte dose de perspicacité pour reconnaître que son attention était éveillée. Tom continua à dessiner, sans paraître se douter qu’on l’observait. Enfin, la petite curieuse, après avoir en vain essayé de regarder par-dessus l’épaule du dessinateur, dit tout bas, avec un peu d’hésitation :

— Laissez-moi voir.