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COMMENT ON SE DÉBARRASSE DES POIREAUX.

— Viens, viens, tante Polly ! Tom est en train de mourir.

— En train de mourir !

— Oui, ma tante. Viens vite !

— Bast ! je n’en crois rien.

Néanmoins elle gravit les marches à la hâte, suivie de Marie et de Sid. Arrivée au chevet du moribond, elle demanda d’une voix haletante, d’un ton moitié inquiet, moitié railleur :

— Tu n’es pas encore mort, Tom ?

— Non, pas encore, ma tante ; mais mon pied écorché est tout rouge : j’ai la gangrène !

Tante Polly regarda l’écorchure, se laissa tomber sur son siège ; elle rit un peu, pleura un peu, puis elle se mit à rire et à pleurer tout à la fois. Lorsqu’elle se fut ainsi soulagée, elle dit :

— Mauvais garnement, quelle peur tu m’as faite ! Allons, tais-toi, en voilà assez.

Les gémissements cessèrent, et les douleurs lancinantes de l’orteil disparurent comme par enchantement. Tom se sentit déconcerté.

— Tante Polly, je t’assure que j’ai cru que mon pied avait la gangrène ; je souffrais tant que je ne songeais plus à ma dent.

— Ta dent ? Qu’est-ce qu’elle a, ta dent ? Ouvre la bouche. Oui, en voilà une qui ne tient guère ; mais on ne meurt pas de ça. Marie, va me chercher une bonne aiguillée de soie et un tison, — le feu de la cuisine est déjà allumé.

— Non, ne l’arrache pas, ma tante ! s’écria Tom. Elle ne me fait plus mal — du moins pas assez pour m’empêcher de sortir.

— Ah ! ah ! la mèche est éventée, hein ? Tu voulais rester à la maison au lieu d’aller à l’école ?

Marie venait d’arriver avec les instruments de chirurgie dentaire. La vieille dame noua autour d’une incisive branlante le bout d’un fil de soie dont elle attacha l’autre extrémité à un des poteaux du lit ; puis