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LES AVENTURES DE TOM SAWYER.

possédait que depuis la veille, et il le tira de sa poche. C’était un grand scarabée noir à mâchoires formidables, qu’il appelait un hanneton à pinces et qu’il avait séquestré dans une boîte à pilules. Le premier soin de l’insecte fut de pincer un des doigts de son imprudent geôlier.
Le scarabée cerf-volant.
Il reçut une chiquenaude qui l’envoya dans un des bas-côtés de l’église, où il tomba sur le dos, tandis que Tom portait à sa bouche son doigt pincé. Le scarabée se tint là, agitant les pattes, se soulevant tantôt sur une élytre, tantôt sur l’autre, sans parvenir à prendre une posture moins incommode. Tom aurait bien voulu ressaisir le prisonnier évadé. Il n’y fallait pas songer : le fugitif, bien qu’incapable de profiter de sa liberté, était hors de portée. D’ailleurs, d’autres membres de l’assemblée trompaient leur ennui en contemplant les efforts désespérés du malheureux hanneton à pinces.

Bientôt un caniche nomade pénétra en flâneur dans le temple, l’oreille basse, l’œil morne ; sans nul doute il s’ennuyait aussi et trouvait les rues désertes trop calmes, la chaleur trop torride. Son regard tomba sur le scarabée ; sa queue se mit à frétiller. Il inspecta la proie, dont il fit le tour, la flaira à une distance respectueuse, passa une nouvelle inspection circulaire, s’enhardit et flaira de plus près ; puis il montra les dents, exécuta une série de charges à fond de train comme pour happer l’insecte, qu’il se gardait bien de toucher. Ce jeu semblait le divertir et divertissait certainement maître Tom. Enfin, las de ces gambades foli-