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UN BADIGEONNAGE AUX ENCHÈRES.

— Tribord la barre ! Bon quart devant ! Drelin-din-din !

Les bras de Ben se raidirent et restèrent collés à ses flancs.

— Ramène à bâbord ! Drelin-din-din ! Brouf… ouf… ouf !…

Le bras gauche se mit à décrire des cercles.

— Stop la roue de tribord ! Drelin-din-din ! Stop la roue de bâbord ! Laisse arriver ! Brouf… ouf… ouf ! Accoste le quai ! Jette l’amarre ! Lâche la vapeur ! Sht-sht-sht !

Les roues cessèrent de tourner, et le steamer s’arrêta tout près de Tom, qui avait continué son badigeonnage sans paraître prêter la moindre attention aux mouvements du navire. Ben, un peu surpris, le contempla bouche béante.

— Te voilà amarré aussi, toi, et pour toute la journée, hein ? dit-il enfin.

Tom faisait la sourde oreille ; la tête penchée, il examinait son dernier coup de pinceau avec l’œil d’un artiste.

— Ohé, mon pauvre vieux, Sid m’a raconté que tu es obligé de travailler, reprit le nouveau venu d’un ton compatissant.

— Tiens, c’est toi, Ben ?

— Comment, tu n’as pas entendu ? Dis donc, nous allons nous baigner. Tu voudrais bien nous accompagner, pas vrai ? Mais non, tu aimes mieux travailler, naturellement.

Tom regarda son interlocuteur d’un air étonné.

— Qu’appelles-tu travailler ?

— Ah ça, est-ce que tu ne travailles pas ?

Tom changea son baquet de place et répondit d’un air insouciant :

— Peut-être que oui, peut-être que non ; mais la besogne ne déplaît pas à Tom Sawyer.

— Voyons, tu ne me feras pas accroire que tu t’amuses !

La brosse continuait son petit train-train.