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LES AVENTURES DE TOM SAWYER.

nonça un petit discours où il remercia Mme Douglas de l’honneur qu’elle lui faisait, à lui et à ses fils, mais déclara qu’il y avait une quatrième personne dont la modestie, etc., etc.

Bref, il lâcha son secret et raconta de la façon la plus dramatique qu’il put le rôle que Huck avait rempli ; mais la surprise que l’on exprima ne fut pas aussi bruyante qu’elle l’eût été sans l’indiscrétion de Sid. Néanmoins la veuve joua assez bien l’étonnement. Elle combla Huck de tant d’éloges, de tant de témoignages de gratitude que le pauvre garçon oublia la gêne intolérable que lui causaient ses vêtements neufs pour ne songer qu’à la gêne plus intolérable encore qu’il éprouvait en se voyant le point de mire de tous les regards.

La veuve dit qu’elle comptait offrir à Huck un asile sous son toit et le mettre à même de gagner sa vie. Alors Tom jugea l’occasion bonne pour rendre aux auditeurs la surprise dont on les avait frustrés.

— Huck n’a besoin de rien, dit-il ; Huck est riche.

Le sentiment des convenances empêcha seul les invités de répondre par des éclats de rire à cette plaisanterie. Mais le silence qu’ils gardèrent ensuite était un peu embarrassant ; ce fut Tom qui se chargea de le rompre.

— Huck a de l’argent, continua-t-il. Vous ne me croyez peut-être pas ; mais il a un tas d’argent. Oh ! vous pouvez sourire tant qu’il vous plaira, je ne plaisante pas. Attendez une minute.

Tom courut vers la porte. Les invités se regardèrent d’un air perplexe et adressèrent des regards interrogateurs à Huck, qui semblait frappé de mutisme.

— Sid, qu’a donc Tom ? demanda tante Polly. Décidément, il n’y a pas moyen de comprendre ce garçon-là. Je n’ai jamais…

Tom rentra, ployant un peu sous le poids de ses sacs, et tante Polly n’acheva pas sa phrase. Tom versa la masse d’or sur la table et s’écria :